Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années
À la session du jeudi après-midi du Concours Reine Elisabeth, formidable prestation de Taehan Kim, 22 ans, le benjamin de ces demi-finales.
Publié le 25-05-2023 à 20h59 - Mis à jour le 25-05-2023 à 21h29
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Certains candidats n’accordent pas suffisamment d’attention à l’articulation, au point qu’on a du mal à distinguer la langue dans quelle ils chantent. Chez Fleuranne Brockway (30 ans encore jusque ce samedi), on admire le timbre splendide, l’homogénéité de la voix et la projection impressionnante – parfois presque trop puissante même. Mais, si la mezzo-soprano australienne témoigne d’une belle expressivité, sa prestation est desservie par une articulation approximative, aussi bien en français (Debussy) et en allemand (Brahms) qu’en italien (Respighi, puis sa seule scène d’opéra, extraite de I Capuleti e i Montecchi de Bellini).
Même souci chez Daegyun Jeong, 28 ans, premier baryton coréen du jour, entendu dans les mêmes idiomes : mélodies de Strauss et Duparc, oratorio de Mendelssohn. La voix est belle, expressive, mais le chanteur reste figé, les pieds comme englués sur scène. Il se libère un peu dans son air de concert de Mozart, mais les quelques mimiques et gestes qu’il tente alors semblent plus appris que naturels.
Grand engagement dramatique
La soprano Lubov Karetnikova, 30 ans, campée sur les jambes un peu écartées, a choisi un programme uniquement constitué de mélodies : dans Mozart, Schubert, Schumann puis Honegger, son univers est celui du son plus que des mots et il faut renoncer à comprendre de quoi il s’agit. Seul Portrait, mélodie du compositeur russe Georgy Sviridov sur un texte de Lermontov, se révèle du coup plus inspiré.
Chez Daniel Gwon, trentenaire lui aussi, la voix est plus ouverte et le chant généreux : les mots deviennent plus perceptibles, d’autant qu’il aborde ses mélodies de Schubert, Loewe et Quilter avec un grand engagement dramatique. Le deuxième baryton coréen est un homme de théâtre, comme en témoignera une scène finale de Posa dans Don Carlo dont l’incarnation est si intense qu’elle frise l’histrionisme. Sa puissance est impressionnante, mais pas toujours bien domestiquée.
Autorité et aisance
Marie Lombard, 25 ans, chante Olympia des Contes d’Hoffmann et Marie de La fille du régiment, avec une mélodie de Schubert curieusement perdue entre les deux. C’est brillant, avec des aigus stratosphériques mais une intonation qui vacille parfois, puissant mais avec variations d’intensité un peu arbitraires, voire maniérées.
Un des rares Millénials de ces demi-finales, Taehan Kim en est, à 22 ans, le benjamin. Mais il affiche une autorité et une aisance impressionnantes, dans un programme qui plus est diversifié et généreux : deux airs d’opéra (Donizetti et Verdi), quatre mélodies de Poulenc, Schubert, Tchaïkovski et Schoenberg, et le choix audacieux de commencer par le plus brillant et de terminer par le plus intérieur. Le troisième baryton coréen du jour cumule les vertus : théâtralité et intériorité, puissance mais intonation, intelligence et intelligibilité et le tout justement dosé. On l’attend en finale.