Le concours de chant deviendra-t-il un concours d’opéra ?
Créé en 1988, le Reine Elisabeth de chant en est à sa dixième session. Quel bilan ?
Publié le 25-05-2023 à 15h00
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Aga Winska, Thierry Félix, Stephen Salters, Marie-Nicole Lemieux, Iwona Sobotka, Szabolcs Brickner, Haeran Hong, Sumi Hwang et Samuel Hasselhorn : que sont devenus les neuf vainqueurs des précédentes sessions de chant du Concours Reine Elisabeth ?
Pour une star internationale incontestable (Marie-Nicole Lemieux, qui chante Orlando furioso de Vivaldi à Paris ce soir et sera Erda dans L’Or du Rhin en octobre à la Monnaie), on recense un chanteur qui, après avoir tenté sans réel succès un parcours international, a choisi de devenir prophète en son pays (Brickner) et quatre autres qui mènent des carrières honnêtes mais discrètes (Iwona Sobotka qui semble avoir enfin pris son envol, Hong, Hwang et Hasselhorn).
Les trois premiers cités ont, depuis longtemps déjà, définitivement disparu des radars. Évidemment, on fera observer qu’il en est de même des premiers lauréats des sessions de violon et de piano dont les promesses sont restées sans suite (Novitskaya, Volondat). Et qu’un palmarès ne se limite pas aux seuls premiers lauréats et que, dans ceux des sessions de chant, il est d’autres chanteurs et chanteuses qui font aujourd’hui ou ont fait de belles carrières : Gallardo-Domas, Im, Poplavskaya, Losier, Laulan, Mas, Pérez, Zaïcik ou, côté belge, Van Mechelen, Lhote, Blondelle, Devos.
Une sélection ou un règlement déficient ?
Proportionnellement toutefois, il est manifeste que le Concours Reine Elisabeth a la main plus heureuse dans ses choix de pianistes et de violonistes que dans ses sélections de chanteurs. Dès lors qu’on ne peut contester la qualité du jury – presque plus prestigieux encore en chant que dans les autres disciplines – faut-il incriminer la sélection des candidats, ou le règlement ? Les deux, sans doute.
Sélection ? Faute, notamment, de palmarès aussi garni, le concours de chant n’a pas encore la réputation des concours de violon et de piano. Pour les jeunes chanteurs du monde entier, il est donc une compétition parmi d’autres, assurément respectable mais moins indispensable que, par exemple, le concours de Cardiff, ou les Operalia de Placido Domingo. Il est aussi une épreuve que l’on craint plus que d’autres parce qu’elle garde la réputation d’exiger des talents plus complets : et l’on touche ainsi à la question du règlement.
À ses débuts, le Reine Elisabeth de chant, modelé sur et par José Van Dam, recherchait des lauréats façon moutons à cinq pattes, à la fois excellents dans l’opéra, l’oratorio et la mélodie. En 2008, la barre a été abaissée et on n’a plus demandé aux candidats “que” deux disciplines. Aujourd’hui, le règlement ne fait plus du tout référence à des disciplines en tant que telles, mais il exige des candidats qu’ils aient au premier tour “au moins un air d’opéra et d’oratorio” et en finale “au moins un air d’opéra”.
Une majorité parmi les demi-finalistes joue, par conséquent, encore le pluralisme des genres (opéra et mélodie, parfois opéra et oratorio), mais une minorité grossissante d’années en années ira (si elle y va) en finales avec seulement des airs d’opéra. Ce sera peut-être une tendance lourde, d’autant que le jury présidé par Bernard Foccroulle comprend, sur 17 membres, 7 qui exercent ou ont exercé de hautes fonctions dans l’opéra (outre le président, Clemeur, De Caluwe, Dorny, De Lint, Friend et Wieser) 9 chanteurs qui ont tous chanté, notamment ou uniquement à l’opéra (Van Dam, Anderson, Jo, Van Mechelen, Prégardien, Petitbon, Mehta, Karthäuser et Fink) pour seulement un accompagnateur de mélodies (Helmut Deutsch).