Tina Turner, pionnière de #MeToo, témoignait dans le documentaire "Tina"

En 2021, le documentaire Tina de Dan Lindsay et T. J. Martin revenait sur le parcours de la star. Disponible sur plusieurs plateformes, dont Prime Video. Il apparaît avec le recul comme un témoignage-testament de la star, décédée le 24 mai.

L’élégante dame de 81 ans qui vient s’installer à pas menus devant la caméra est loin des images iconiques de la bête de scène qu’elle fut, habilement montées en ouverture du film. Elle évoque plus une charmante (et fortunée) grand-mère. Mais elle dégage alors toujours un extraordinaire charisme et une puissante force tranquille.

Produit par HBO, Tina retrace la vie et la carrière d’Anna Mae Bullock, dite Tina Turner. On ne la résumera pas ici. Mais, pour crypto-hagiographique qu’il soit, ce passionnant documentaire dépasse volontairement son célèbre sujet pour l’inscrire dans l’histoire du Woman Empowerment et du Black Empowerment.

La double vie de Tina Turner

La première partie retrace son parcours depuis sa ville natale de Nutbush dans le Tennessee à ses premières années de gloire, avec son mari, Ike Turner, jusqu’à leur divorce en 1978.

Émaillé de témoignages et souvenirs d’Angela Bassett, d’Oprah Winfrey, du manager Roger Davies, du parolier Terry Britten, du coauteur de son autobiographie I, Tina, Kurt Loder - pour citer les plus célèbres - et de son mari Erwin Bach.

Le film est structuré autour de deux entretiens clés. Celui, récent, de Tina Turner dans sa retraite suisse et l’autre du journaliste Carl Arrington qui revient sur l’entretien capital que Tina lui accorda en 1981 pour la revue People - équivalent à l’époque d’un pure player faisant le buzz sur la scène de l’entertainment américain.

Le journaliste rappelle qu’il s’attendait à un très classique entretien promo d’une chanteuse sur le retour, en train d’opérer son virage du R’n’B vers le rock - elle allait devenir la première chanteuse noire à remplir des stades entiers. Quand, à sa surprise, Tina aborde les violences et abus physiques que lui a infligés son ex-mari Ike Turner. On peut entendre dans le film des extraits de l’enregistrement original de cette conversation charnière.

Pionnière

À l’heure post-#MeToo, Tina apparaît comme une pionnière, première célébrité à avoir publiquement pris la parole pour témoigner de la sorte. Après des années de silence, c’est le refus de se laisser enfermer dans le statut de victime qui a motivé sa démarche.

Le documentaire rappelle à quel point ce premier exemple fut libérateur pour nombre de femmes au début des années 1980. Le couplet sur la force libératrice du pardon, inspirée du bouddhisme, ajoute à la force de son témoignage.

L’autre dimension pionnière que Tina remet en exergue est l’extraordinaire reconversion de la dame à l’âge de 45 ans, alors que toute l’industrie de l’époque la tenait pour has-been. Qu’on ait aimé ou non son rock eighties plus ou moins formaté, la réussite de l’entreprise force le respect. On peut voir en elle une source d’inspiration de bien des divas pop-rock qui l’ont suivi.

Cette double relecture de Tina redonne une vivacité et une modernité à une histoire édifiante qui avait déjà été maintes fois contée.

Tina Documentaire De Dan Lindsay et T. J. Martin Photographie Dimitri Karakatsanis et Megan Stacey 1h58.

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