Concours Reine Elisabeth: la liste des douze finalistes a été bien accueillie, mais cache mal de grosses disparités
Sélection consensuelle mais règlement à affiner.
- Publié le 27-05-2023 à 12h01
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Evidemment, on regrettera que les deux candidates belges ne soient pas allées plus loin. Et pas seulement parce que la présence de compatriotes en finale du Concours Reine Elisabeth dope toujours les audiences. Dans les sessions de chant, il y avait presque toujours eu l’un ou l’autre chanteur belge en finales : sur les neuf éditions précédentes, seules deux (1996 et 2008) s’étaient déroulées sans. Linsey Coppens (dont l’audace consistant à ouvrir sa prestation par un morceau en néerlandais a été unanimement saluée) et Margaux de Valensart n’ont pas démérité : le jury, ou plutôt les membres du jury car il ne s’agit pas d’un corps homogène, en ont tout simplement trouvé au moins douze qu’ils considéraient comme meilleurs.
Tout chauvinisme bu, la sélection des douze finalistes ne comporte pas de surprise majeure, ni présents, ni absents. Silvia Sequeira, Jasmin White, Floriane Hasler ou Taehan Kim notamment, qui avaient fait forte impression en demi-finales, seront, sauf contre-performance surprenante, en lice pour le podium final. Avec d’autres bien sûr, tant il est vrai que la prestation de finales – avec orchestre, et non plus avec piano – est une expérience tout autre que celle des deux premiers tours : certains peuvent s’y révéler, d’autres au contraire vont peut-être décevoir.
Surprise, il y aura aussi parce que certains vont complètement changer leur fusil d’épaule dans les genres musicaux abordés. Des candidats que des membres du jury (tous n’étaient pas au premier tour) n’ont entendu qu’en mélodies en demi-finales vont se mettre à chanter de l’opéra, parfois même exclusivement. En effet, si une petite majorité de finalistes (Brockway, Gwon, Kim, Muzychenko, Roussel, Warenberg et White) arrivera avec un programme mixte, c’est-à-dire un programme d’opéra mâtiné d’un peu de mélodies, les cinq autres (Hasler, Jeong, Mey, Neher et Sequeira) ne chanteront que de l’opéra. Pour les trois jours de finales du 1er au 3 juin, ce ne sont pas moins de 40 airs d’opéra et 9 mélodies que devront préparer Alain Altinoglu et ses musiciens de l’orchestre symphonique de la Monnaie. Aucun d’air d’oratorio ne leur sera demandé par contre, ce qui doit être une première.

A dire vrai, comme souligné dans ces colonnes voici deux jours, la Concours Reine Elisabeth n’est plus un concours de chant généraliste, mais il n’ose pas non plus s’afficher comme concours d’opéra. D’où cette cote un peu mal taillée, où il est fait obligation aux candidats de chanter, devant un jury largement composé de managers d’opéra, au moins un air d’opéra au premier tour et en finale, mais aucun en demi-finales.
Autre sentiment de surprise: rarement autant que cette année, le Concours n’aura opposé des candidats aussi jeunes d’un côté et beaucoup plus âgés de l’autre. Taehan Kim et Juliette Mey sont nés en 2000, les dix autres finalistes s’échelonnent entre 27 et 31 ans. Certaines parmi ces derniers, comme la soprano Julia Muzychenko-Greenhalgh, ont déjà des carrières qui les mènent sur quelques grandes scènes lyriques européennes. Le marché du chant est-il tellement concurrentiel qu’il soit nécessaire, à plus de trente ans, de courir encore les Concours ?
Cela dit , les demi-finales auront été l’occasion de découvrir des artistes, mais aussi parfois du répertoire : Margaret Bond, Amy Beach, Pauline Viardot, un soin particulier a été apporté par certains candidats à réhabiliter des compositrices oubliées. Le Concours, qui semble gagné par une certaine forme de wokisme au point d’avoir fait disparaître les nationalités des chanteurs de son programme, ne serait-il pas mieux inspiré d’imposer que chaque programme soit constitué d’œuvres composées par des musiciens de genres différents ?
Un mot encore pour rendre hommage au travail des accompagnateurs, qu’il s’agisse des cinq « officiels » (mis à la disposition des candidats par le Concours) ou des autres (amenés dans leurs bagages par certains candidats). Même si certains ont pu sembler plus inspirés que d’autres, tous méritent un coup de chapeau.