Concours Reine Elisabeth: deux belles incarnations de l'éternel grave féminin
La contralto américaine Jasmin White et la mezzo-soprano française Floriane Hasler placent d’emblée la barre assez haut.
- Publié le 01-06-2023 à 23h23
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C’est parti ! La première soirée des finales de la session 2023 s’ouvre avec une des candidates les plus attendues, Jasmin White. L’Orchestre symphonique de la Monnaie est en formation (relativement) large, avec douze premiers violons et le reste des cordes à l’envi : c’est que Mahler et Wagner, grands consommateurs d’effectifs orchestraux, sont au programme. Avec, entre les deux, Rossini, moins gourmand en volume sonore et qui verra du coup certains musiciens rester au repos.
Dans Urlicht, une des mélodies du cycle Des Knaben Wunderhorn, la contralto américaine ose un tempo très lent, au risque de voir l’intonation se faire moins précise dans certains passages plus exposés. Le timbre est splendide – on sent la présence de l’esprit de Kathleen Ferrier – et White sait rendre chaque mot intelligible et y donner un sens. A quel giorno, air virtuose d’Arsace dans la Semiramide de Rossini, confirme ces vertus de diction et donne toute la mesure de l’étendue et de l’homogénéité du timbre, en y ajoutant la virtuosité parfaitement maîtrisée des roulades finales. Le public ne peut s’empêcher d’applaudir, permettant à la chanteuse de se glisser dans la peau d’Erda, la déesse qui doit convaincre Wotan de laisser aux géants l’or maudit. C’est à nouveau splendide de couleurs, de nuances et d’expressivité, tant chez White que chez Alain Altinoglu (ce qui est plus que prometteur à quatre mois de son Or du Rhin à la Monnaie).
Floriane Hasler commence avec Che scompiglio, che flagello, extrait du très rare La finta semplice, opéra de jeunesse de Mozart où elle fait d’emblée la démonstration d’une expérience de comédienne aguerrie. Même sens des planches, mais empreint de pudeur, dans un magnifique J'ai perdu mon Eurydice de l’Orphée et Eurydice parisien de Gluck où l’on pense à nouveau à Ferrier – mais en moins tragique. La voix n’est pas la plus ample, mais le timbre est rond et chatoyant. Sta nell'Ircana, un air de Ruggiero dans Alcina de Haendel permet à la candidate française de montrer sa virtuosité, mais trahit aussi un grave parfois un peu court.
Le programme est habilement construit : Hasler revient à plus d’intériorité avec un très beau Va ! Laisse couler mes larmes, l’air des larmes de Charlotte dans Werther de Massenet où elle dialogue avec le saxophone, puis conclut avec la virtuosité souriante de l’Isabella de L’Italiana in Algeri : Cruda sorte est un joli feu d’artifice final, auquel il ne manque peut-être qu’un soupçon de projection et d’assise en plus.