Soigner son entrée, réussir sa sortie
Daniel Gwon et Silvia Sequeira combinent expressivité dramatique et puissance vocale.
- Publié le 02-06-2023 à 22h31
:focal(202x147:212x137)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/A453TUSN6FHQTHZVZMHW6V3F5U.jpg)
Daniel Gwon, le premier des deux barytons coréens de ces finales – et de la soirée – a choisi un programme mixte, trois airs d’opéra et deux mélodies, proposés en lasagne. De façon inattendue (tant d’autres l’auraient placé en péroraison), il commence avec l’air le plus brillant, le Largo al factotum della città du Barbier de Séville de Rossini : attaques précises, voix immédiatement bien timbrée, le niveau vocal est élevé. Avec ce qu’il faut de théâtralité et une projection impressionnante – on se surprend à chercher instinctivement la télécommande pour baisser un peu le son. Mêmes qualités d’engagement dans la Chanson à boire de Ravel, même si le Français lui semble moins familier et rend son Don Quichotte légèrement pâteux. Ah ! per sempre, air de Riccardo dans I Puritani de Bellini, emmène la salle à un niveau élevé d’intensité émotionnelle, confirmée par un Ich hab’ein glühend Messer de Mahler (un des Lieder eines fahrenden Gesellen) brûlant et douloureux. Avant de quitter ces lieux, l’air du départ de Valentin au combat dans le Faust de Gounod, prend joliment le sens d’un adieu à la salle.
Très remarquée en demi-finales, Silvia Sequeira est la seule des finalistes à avoir inscrit Puccini à son programme. Et plutôt deux fois qu’une : la Liù de Turandot et Suor Angelica. À son arrivée sur scène, la soprano portugaise se décontracte avec une mimique tellement comique que la salle ne peut s’empêcher de rire. Le temps pour elle de se reconcentrer et d’entrer dans la peau de la princesse amoureuse de Calaf, et le résultat est fabuleux : un Tu che di gel sei cinta puissant, passionné et bouleversant.
Un flamboyant D’Oreste, d’Ajace d’Idomeneo colle les spectateurs à leur siège : on peut éventuellement mégoter sur certains graves insuffisamment sonores s’il faut à tout prix trouver quelque chose à redire, mais cette Elettra parfaitement campée du récit au final montre comment Sequeira pourrait à terme évoluer vers les emplois de soprano dramatique. Dans un registre complètement différent – mais quelle richesse que cette diversité – le Senza mamma adressé par Suor Angelica à son enfant mort est un pur moment de grâce, même si l’extinction de la dernière note en point d’orgue n’a pas tout à fait la perfection attendue. Et son Dich, teure Halle rayonnant et lumineux (Elisabeth dans Tannhäuser de Wagner) est une impeccable façon de transformer un air d’entrée en sortie.