Taehan Kim, la victoire d’une promesse à tenir
Le baryton coréen est un formidable artiste de 22 ans. Puisse la suite de son parcours confirmer son potentiel !
- Publié le 04-06-2023 à 18h13
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Plus encore que lors d’éditions précédentes, le Concours Reine Elisabeth 2023 aura donné l’impression d’opposer deux catégories très différentes de candidats. D’un côté, une majorité d’artistes trentenaires ou presque, aux carrières parfois déjà bien lancées au point qu’on les trouve à l’affiche de plusieurs scènes lyriques européennes (et qu’on peut se demander pourquoi ils viennent encore perdre leur temps – et celui du jury ? – dans des concours. De l’autre, une minorité (deux !) de jeunes nés une dizaine d’années plus tard, à l’aube de leur développement mais déjà passionnants.
Minorité peut-être, mais agissante : Taehan Kim en grand vainqueur incontestable, Juliette Mey sixième, les benjamins sont dans le sextuor des lauréats classés. Les quatre autres, terminant de la deuxième à la cinquième place (Jasmin White, Julia Muzychenko-Greenhalgh, Floriane Hasler et Inho Jeong), appartiennent forcément à la catégorie des aînés. Ce hiatus d’âges mérite réflexion : à l’avenir, ne faut-il pas redescendre le plafond d’âge des candidats admis ?
Prestation d’un niveau exceptionnel
Autre spécificité des concours de chant : la voix est un instrument forcément plus personnel que le piano, le violon ou le violoncelle, à telle enseigne que la marge d’évolution y est bien plus grande. Il est donc possible de couronner un chanteur soit pour consacrer le niveau qu’il a déjà atteint, soit en pressentant celui auquel il pourra arriver même s’il n’y est pas encore tout à fait. La décision du jury de couronner Taehan Kim ne découle pas seulement d’une volonté de privilégier la jeunesse : elle tient justement à ce que, non seulement, sa prestation en finale était d’un niveau exceptionnel, mais aussi à ce qu’il est le plus riche de potentialités puisqu’il est fait à 22 ans mieux que ce que font les autres à 30.
Décision du jury ? Il serait plus correct de prêter ce raisonnement aux membres du jury pris individuellement plutôt qu’à un corps collectif qui n’existe pas. Dès lors que, au Concours Reine Elisabeth (et à la différence du festival de Cannes par exemple), les membres du jury ne délibèrent pas mais se contentent de remettre des cotes additionnées par un ordinateur sous le contrôle vigilant d’un huissier, il serait illusoire de prendre le palmarès pour un vaste compromis diplomatique. Pas de discussions entre les jurés sur les prestations, pas de définition d’objectifs communs, pas de donnant donnant), pas de rectifications ni de lots de consolation.
Potentiel à concrétiser
Chaque candidat est classé (même si l’ordre des six derniers n’est pas révélé), tous les prix sont distribués (pas question de ne pas accorder le premier prix, ou nommer des ex-aequo), et il serait donc vain de chercher des messages subliminaux dans le palmarès. Reste à espérer que Taeran Kim réussira à concrétiser, dans les années à venir, ce potentiel immense justement décelé. Couronné au même âge à Bruxelles en 2004, Iwona Sobotka a mis près de quinze ans pour sortir de l’anonymat.
Deux points feront en tout cas l’unanimité. D’abord, le plaisir musical qu’on aura prix à écouter la grande majorité de ces candidats. Les sessions de chant offrent forcément une diversité plus grande que celles qui sont dédiées aux instruments, ne fût- ce que par le répertoire : une moyenne de 16 morceaux différents par soirée en finale, alors qu’en piano ou violon, on a chaque soir deux fois le même imposé et parfois deux fois le même concerto.
Ensuite, justement, le talent et l’engagement des musiciens de l’Orchestre de la Monnaie et de leur chef Alain Altinoglu qui, en trois soirées, ont joué 47 morceaux différents avec cinq types de voix, et surtout douze chanteurs qui n’ont ni la même projection, ni la même façon de collaborer (ou non) avec l’orchestre : le coup de chapeau traditionnel que leur a adressé le président du jury samedi prenait un sens particulier, confirmé par l’ovation debout de la salle.