Taehan Kim, lauréat du Concours Reine Elisabeth : "Quand le Président du Jury a proclamé mon nom, je suis resté muet"
À 22 ans, le baryton sud-coréen remporte l’édition 2023 du Concours Reine Elisabeth
- Publié le 04-06-2023 à 15h57
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Il était le plus jeune de la finale, mais aussi le candidat du consensus ; celui dont l’art ne faisait pas débat, semblait pouvoir toucher tout le monde. Sa gravité, son sérieux, sa profondeur furent sans doute déterminants, mais c’est surtout la beauté de sa voix et la force tranquille de sa personnalité qui valent à Taehan Kim ce Premier Prix.
Pourriez-vous nous décrire votre vie depuis samedi soir, aux alentours de 23 h 59 ?
Aux environs de minuit, j’ai remporté le premier prix du Concours Reine Elisabeth. Mon téléphone n’a pas arrêté de sonner, essentiellement des gens qui m’appellent de Corée du Sud et qui veulent me féliciter. J’ai très peu dormi, sans doute trois ou quatre heures et, depuis ce matin, je donne des interviews, surtout à des médias de mon pays.
Le chant, pour vous, ça a commencé avec Queen ?
Oui. J’avais quatorze ans et j’ai été pris de passion pour ce groupe et particulièrement son chanteur, Freddie Mercury. J’ai l’ensemble de leurs disques en LP. Je les collectionne. J’ai aussi un t-shirt de Queen que j’adore porter, mais qui n’aurait pas convenu pour le Concours Reine Elisabeth (rires).
C’est la vocalité de Freddie Mercury qui vous touche ?
Oui. Si vous écoutez une chanson comme "Bohemian Rhapsody", par exemple, il assume toutes les lignes de chant, de la plus grave à la plus aiguë. Je n’ai évidemment rien en commun avec sa voix, je suis baryton, pas ténor. Mais "Bohemian Rhapsody" est ma chanson préférée.
Qu’est-ce qui vous a convaincu de passer à l’art lyrique ?
C’est ma maman qui a insisté pour que je m’y intéresse, notamment par la pratique du chœur. Je dois avouer qu’il n’a pas fallu longtemps pour que je m’approprie totalement cette passion.
Un souvenir particulier ?
Oui, La Bohème de Puccini, qui me fait toujours pleurer, encore aujourd’hui. Je pleure facilement. Si je l’écoutais maintenant, je me mettrais à pleurer.
Vous avez appelé votre maman ?
Non, mais on a échangé des messages. Je lui ai dit “j’ai gagné le premier prix” et elle m’a répondu “félicitations, je suis tellement fier de toi”.
Vous avez pleuré ?
Non, je pleure surtout pour La Bohème (rires). Quand le Président du Jury (NdlR : Bernard Foccroulle) a proclamé mon nom, je suis resté muet et figé. Il a fallu que quelqu’un me fasse signe pour que je comprenne que je devais monter sur scène. Je n’ai pas été beaucoup plus loquace pendant les interviews immédiatement après. On me demande ce que je ressens. J’ai envie de répondre “mais je n’en sais rien, je ne saurais même pas vous dire comment je m’appelle” (rires).
Qu’est-ce qui vous attend, maintenant ?
Je suis encore très jeune, je n’ai que vingt-deux ans. Il va falloir que je laisse reposer tout ça. Que je métabolise l’information, que je laisse ma voix grandir et mûrir. Il faudra patienter cinq ans ou même dix ans avant de pouvoir vraiment prétendre récolter les fruits de cette expérience.
Sous votre costume sombre, vous portiez des chaussettes écarlates. Est-ce une manière de dessiner votre personnage ?
Oui. Même si mes chaussettes sont orange, pas écarlates. La vérité, c’est que dans les occasions formelles, je porte toujours des chaussettes sombres, surtout avec un costume noir. Mais la lessive a des raisons que la raison ignore et je me suis retrouvé à la proclamation avec ces chaussettes orange, car je n’en avais plus d’autres. Cela peut effectivement souligner que sous ma personnalité, au premier abord, un peu sombre, se cache un petit élément de couleur vive.
Vous avez reçu votre prix et vous avez passé le reste de la proclamation à sourire et à embrasser vos collègues.
Oui. C’est une banalité de le dire, mais je me sens tellement privilégié d’avoir pu partager ces moments avec de tels artistes. Les voir défiler l’un après l’autre, hier, a été l’occasion de leur manifester mon admiration et mon amour.