Juin, le mois du piano venu de l’Est ?
En moins de deux semaines, Rafal Blechacz, Grigory Sokolov, Arcadi Volodos et Evgeny Kissin seront à Bruxelles ou à Liège.
- Publié le 06-06-2023 à 16h58
- Mis à jour le 07-06-2023 à 14h19
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Marre du chant ? En manque d’un bon vieux Concours Reine Elisabeth de piano ? De ce côté, il faudra encore attendre jusque 2025. Mais, dès ce soir, quatre grands pianistes venus de l’Est vont fouler les scènes de ce qu’il est convenu d’appeler (même si les artistes concernés l’ignorent probablement) la Fédération Wallonie-Bruxelles. Rare alignement d’étoiles.
Aux âmes bien nées… le premier à se produire sera Rafal Blechacz, ce mercredi 7 juin à Bozar. Âgé de 37 ans, il fut à 20 ans le premier Polonais depuis Krystian Zimmermann, trente ans plus tôt, à remporter le premier prix du Concours Chopin de Varsovie. Le premier prix, mais aussi trois prix spéciaux d’interprétation et le prix du public ; une domination que le jury décida de souligner en renonçant à attribuer le deuxième prix, histoire de faire comprendre que les autres candidats étaient très loin derrière. De quoi susciter l’engouement qu’on imagine en Pologne, mais aussi de quoi lancer une carrière internationale qui se poursuit sans failles. Blechacz a très vite rejoint l’écurie Deutsche Grammophon, où sont parus une dizaine d’enregistrements dont le dernier, en mars 2023, était consacré aux deuxième et troisième sonate de Chopin. Si son répertoire ne se limite évidemment pas au compositeur national, il en est quand même l’ossature permanente : ce soir à Bozar, il jouera d’ailleurs la troisième sonate précitée, précédée de Bach (Partita pour clavier n° 2, BWV 826), Beethoven (sonate pour piano n° 5 et 32 Variations sur un thème original) et César Franck (Prélude, Fugue et Variation op. 18).

Samedi 10 juin sera jour de choix délicat pour les amateurs de piano russe, qui hésiteront entre deux monstres sacrés : Arcadi Volodos sera à Flagey à 20h15, quinze minutes après que son aîné Grigory Sokolov soit monté sur la scène de la Salle Philharmonique de Liège. En concert et aussi à travers les disques qu’il publiait chez Sony, Volodos, 51 ans, a longtemps été réputé pour sa virtuosité et sa puissance, certains voyant même en lui une espèce de bête/brute du piano. Le portrait est réducteur, car Volodos est – évidemment – aussi un formidable orfèvre capable de nuances, de couleurs et de poésie. Son récital bruxellois est d’ailleurs annoncé comme un hommage à sa collègue disparue Alicia de Larrocha, qui n’avait certes rien d’une brute : après le cycle Música callada de Federico Mompou et la deuxième ballade de Liszt, il jouera un bouquet d’œuvres de Scriabine.

D’ores et déjà annoncé (ce n’est pas toujours le cas), le programme de Grigory Sokolov, 73 ans, sort lui aussi des sentiers battus : des suites et pièces pour clavecin de Purcell, avant la sonate en si bémol majeur K. 333 et l’adagio en si mineur K. 540 de Mozart. Premier prix du Concours Tchaïkovski de Moscou en 1966 (il avait 16 ans), physique de matou à la Celibidache, le pianiste russe est, comme le chef roumain, peu enclin à fréquenter les studios, à telle enseigne que ce sont essentiellement des enregistrements de concerts que publie régulièrement Deutsche Grammophon. Mais chacun de ses concerts est un événement, qui se conclut souvent en bis multiples.

Dix jours plus tard, le mardi 20, à 20h15, c’est à nouveau à Flagey qu’on se rendra pour accueillir un autre enfant prodige de l’école russe de piano, même s’il a pris clairement ses distances avec son pays natal en adoptant successivement les nationalités britannique puis israélienne : Evgeny Kissin, 52 ans, qu’on a suivi au disque (Sony) depuis ses premiers concerts d’enfant prodige et qui, lui non plus, n’a pas quitté le devant de la scène. Il jouera Bach (Fantaisie chromatique et fugue en ré mineur), Mozart (Sonate pour piano n° 9 en ré majeur), plusieurs pièces de Rachmaninov (Lilacs op. 21/5, les préludes en la mineur et sol bémol majeur ainsi que les six pièces d’Études-Tableaux, op. 39) mais aussi la Polonaise en fa dièse mineur op. 44 de Chopin. Une pièce dont il précise sans ambages : “Pour moi, cette Polonaise évoque clairement la tragédie du peuple polonais, victime de l’impérialisme russe à l’époque de Chopin. Je pense que les parallèles avec la situation actuelle sont très évidents.”

Infos sur www.bozar.be, www.oprl.be, www.flagey.be