Peter Gabriel, le retour gagnant qu'on n'espérait plus
L’ancien leader de Genesis au Sportpaleis pour une soirée de haut vol.
- Publié le 07-06-2023 à 10h22
- Mis à jour le 07-06-2023 à 16h22
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Plus de vingt ans après son dernier album original (Up) et près de dix après sa dernière tournée, Peter Gabriel a réussi le retour qu’on n’espérait plus. On peut regretter la stratégie de sortie étirée du nouvel opus – un extrait d’i/o est publié sur les plateformes à chaque pleine lune, et il faudra attendre la fin de l’année pour l’apprécier dans sa globalité – mais, le concert donné mardi au Sportpaleis l’a prouvé, les nouveaux titres passent plutôt bien l’épreuve de la scène. Plusieurs (Panopticon, i/o ou même Road to joy, sorti dimanche) font déjà presque figures de classique et d’autres (And Still) sont prometteurs. Tant mieux, car la setlist 2023 est composée pour moitié des nouvelles chansons, le reste venant essentiellement de So. Les premiers albums ne sont représentés que par deux incontournables : Solsbury Hill qui termine la deuxième partie du concert et verra quelques hordes de contemporains du chanteur (73 ans) affluer vers la scène en se dandinant et en lançant approximativement les bras en l’air, et Biko, donné en ultime rappel par des musiciens qui quittent un à un la scène pour ne plus y laisser qu’un immense portrait du leader sud-africain assassiné.
Qualité parfaite du son, richesse et perfection technique des images (une immense toile ronde circulaire inclinable au-dessus des musiciens, neuf écrans rectangulaires verticaux derrière eux et deux autres, horizontaux, à cour et jardin), mise en scène efficace signée comme d’habitude par Robert Lepage : ouvert sur le mode intimiste à 20h pile avec un Gabriel solo philosophant sur le vrai, le faux et l’intelligence artificielle (il se présente avec autodérision comme un avatar de lui-même avec 20 ans et 10 kg de plus que le vrai, qui serait sur une plage des Caraïbes) , le show s’organise d’abord autour d’un feu de camp (très belles reprises acoustiques de Washing of the water and Growing up) avant de voir les musiciens se déployer dans la lumière. A l’avant-plan, Gabriel au piano ou avec son seul micro, flanqué de ses trois fidèles lieutenants : David Rhodes à la guitare et Tony Levin – 77 ans mardi ! – à la basse, qui esquisseront avec lui sur Sledgehammer quelques pas de danse rappelant leurs heures de gloire, et Manu Katché à la batterie. Juste derrière, un autre vieux complice de l’ombre, Richard Evans (guitare et flûte), ainsi que trois nouveaux très créatifs : Don McLean (claviers), Josh Shpak (cuivres) et Ayanna Witter-Johnson, qui joue du violoncelle debout (détail ?) et donne la réplique de sa belle voix soul à Gabriel dans Don’t give up ou In your eyes. Initialement annoncée, la violoniste Marina Moore est absente.
Avec son visage de bonze et sa tunique noire à double rangée de boutons qui le fait ressembler au capitaine de quelque vaisseau spatial en orbite infinie, le Gabriel 2023 n’a forcément plus la souplesse et la vigueur physique de celui qui marchait les pieds en l’air, roulait à vélo ou courait dans une sphère. Mais il reste un showman accompli, qui aime réinventer chacun de ses anciens titres (superbe version, notamment, de Darkness façon M le Maudit), qui garde des performances vocales quasiment intactes et qui prend le temps de communiquer avec son public sans se limiter aux poncifs habituels. On en redemande.