Magdalena Kožená, la perle impressionniste
La mythique mezzo-soprano tchèque sera à Bozar ce 20 septembre.
- Publié le 18-09-2023 à 14h44
- Mis à jour le 18-09-2023 à 14h45
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Il existe une longue et belle relation entre Magdalena Kožená et nos scènes. Voilà plus de vingt ans qu’elle se produit régulièrement à La Monnaie ou à Bozar, elle qui est pourtant sollicitée aux quatre coins du monde. Dans ce programme, Kožená habituellement polymorphe tente l’unité de ton.
Où est née votre passion pour la musique française ?
J’ai d’abord étudié le piano au Conservatoire, où je suis tombée en extase devant les Préludes de Debussy et toute la musique de cette époque. C’était une sorte d’incongruité car, en République Tchèque, l’influence de la musique germanique primait. Quand je me suis mise à chanter, naturellement, mes professeurs m’ont orientée vers Schubert et Brahms et le français n’était absolument pas mon pain quotidien. Pourtant, les harmonies très particulières de cette musique m’attiraient instinctivement, ainsi que l’univers visuel, les couleurs qui lui sont associées.
Comment décrire la musique française ?
Dans les mélodies, il y a – avant tout – le rapport au langage, à la poésie, qui est une musique en tant que telle. Il y a aussi une forme d’exotisme qui viendrait par strates : la musique française pour une enfant tchèque est un exotisme, et les poèmes mis en musique parlent souvent d’un orient lointain. C’est une sorte de kaléidoscope de l’imagination. La musique française se situe toujours au point de convergence entre la sensualité et la complexité, avec cet érotisme moite sous-tendu par la littérature. Ce sont des caractéristiques qu’on retrouve déjà chez les grands maîtres du baroque français, comme Lully et Rameau qui déjà se préoccupaient du mot dans sa théâtralité intrinsèque. Pour moi, la musique française permet aussi d’explorer des sonorités – par exemple dans les nasales – qui me sont moins familières. Cela participe de l’effort général du chanteur, quel qu’il soit, qui utilise ses couleurs comme la palette du peintre, avec un spectre très large, du son le plus laid, mais expressif, au plus diaphane.
Comment avez-vous conçu ce programme que vous présentez à Bozar ?
Quand je crée un nouveau programme, je tente toujours de diversifier le bouquet, de surprendre par la grande variété des œuvres que je chante. Je me dis “pauvre public, on ne va pas lui imposer un seul compositeur pendant toute la soirée, essayons de lui proposer quelque chose de plus diversifié”. Le programme du 20 septembre est plutôt mono thématique et sort un tout petit peu de ma zone de confort. Mais l’idée de tenter de plonger les auditeurs dans une ambiance spécifique me plaît. Comme dans les opéras de Wagner qui semblent traversés d’une impression d’uniformité de l’humeur. Voilà ce que je tenterai à Bozar, en soulignant aussi à quel point le choix du pianiste est primordial : à Bruxelles, je serai accompagnée par Ohad Ben-Ari, mais, ensuite, je partirai en tournée avec Mitsuko Ushida et nous enregistrerons un disque.
Quel est votre rapport à la musique d’Olivier Messiaen ?
J’aime comme l’évocation d’un compositeur de musique moderne peut parfois susciter l’angoisse de certains mélomanes qui se demandent s’ils vont venir à bout de l’œuvre sans se décomposer. Dans ce cas-ci, paradoxalement, c’est l’œuvre de Messiaen qui est probablement la plus compréhensible et la plus simple à entendre du programme. Je trouve ces Poèmes pour Mi totalement extatiques. Olivier Messiaen était capable, dans sa tête, d’associer très précisément les harmonies à certaines couleurs, ce qui contribue à rendre sa musique passionnante, d’autant plus qu’à son époque, l’approche était des plus inhabituelles. Et puis, c’était un homme extrêmement religieux, mais dans l’expression de sa foi, dans ses partitions, il y a parfois un petit élément d’érotisme pudique, qui en dit long des singularités dans la relation qu’entretient un être humain à sa foi. Dans ce sens, Claude Debussy est d’un érotisme nettement moins cryptique.