Un “Idomeneo” qui annonce “La Flûte enchantée”. Et “Parsifal” ?
Jean-Louis Grinda revient à l’Opéra de Liège pour le premier grand Mozart de la maturité.
- Publié le 18-09-2023 à 22h31
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Il fut, pendant une décennie (1996-2007), le patron de l’Opéra Royal de Wallonie. Aujourd’hui, Jean-Louis Grinda, 63 ans, est le directeur des Chorégies d’Orange, tout en poursuivant une carrière à succès de metteur en scène, commencée à Liège voici un quart de siècle (quelques comédies musicales puis un mémorable Ring wagnérien) : dix ouvrages au menu cette année en divers coins du monde lyrique, dont Idomeneo de Mozart dès ce soir au Théâtre Royal. Boucler la boucle ? Oui, sauf que le parcours est loin d’être déterminé. Et que Grinda avait déjà été réinvité à l’ORW par Stefano Mazzonis pour La chauve-souris puis Ernani. : “Je reviens toujours avec plaisir à Liège, même s’il n’y a aucune forme de nostalgie : je travaille ici comme je le ferais dans n’importe quelle autre ville, et c’est ce qu’on attend de moi. Stefano Pace m’avait laissé le choix entre deux mises en scène : un opéra russe que je connaissais déjà bien, et Idomeneo qui m’était moins familier. J’ai choisi ce qui me semblait le plus difficile. J’ai déjà mis en scène trois Mozart (Don Giovanni, La flûte enchantée et La clemenza di Tito), et ce sont les seuls opéras où j’ai eu le trac jusqu’au bout ! Les opéras de Mozart présentent tant de clés de lectures, ils ont une dramaturgie musicale extraordinairement puissante parce que leur apparente simplicité cache en fait une complexité abyssale. Mais cette difficulté ne m’empêche pas de les aborder, et je le fais avec un immense plaisir.”
Le triomphe de l’amour
Il ne viendrait à personne l’idée de classer Grinda dans le courant du Regietheater – un terme et un débat qu’il récuse d’ailleurs – mais sa lecture de l’opéra de Mozart, fût-ce dans des décors plutôt classiques, pourrait surprendre : “Idomeneo a été créé à Munich quelques années avant la Révolution française, mais les idées des Lumières circulaient déjà en Europe : on les retrouve dans ce livret où les dieux sont très présents, mais où ils finissent par décider de laisser les hommes libres. Idomeneo raconte le triomphe de l’amour terrestre sur la fatalité imposée jusque-là par les dieux : en cela, l’œuvre annonce déjà les idéaux humanistes de La flûte enchantée. Mais il faut se souvenir également que la création s’inscrit dans un contexte de rapports difficiles entre Mozart et son père. Et je vois, dans le personnage d’Idoménée, un père assez critiquable, un lâche : alors qu’il est pris dans la tempête, il décide égoïstement de sacrifier aux dieux la première personne qu’il rencontrera s’il s’en sort. Il ne peut pas ignorer que celui qui l’accueillera risque d’être Idamante, son fils qui est aussi son successeur désigné. Idamante, c’est pour moi le personnage positif, celui qui est pur et innocent. Idoménée prend le risque de mettre la vie de son fils en danger, peut-être pour s’accrocher au pouvoir, peut-être même aussi pour dominer Ilia… Et jusqu’à la fin de l’opéra, il ne fait rien : il est prêt à sacrifier son fils, c’est Ilia qui invoquera les dieux pour l’arrêter ! Dans ma mise en scène, j’ai donc décidé de faire aussi d’Idoménée lui-même le monstre marin, celui qui terrorise la Crète. Quand Idamante combat le monstre, il le blesse, et on retrouvera cette blessure qui saigne au flanc d’Idoménée, un peu comme Amfortas dans Parsifal”. Idamante serait-il un autre chaste fol ?
Liège, Théâtre Royal, du 19 au 28 septembre ; www.operaliege.be