Ça ne plane plus pour Lou Deprijck
L’homme derrière le tube “Ça plane pour moi” n’est plus. Le saltimbanque de 77 ans, dont la DH en avait fait son Grand entretien il y a un mois, s’est éteint ce mardi 19 septembre dans un hôpital bruxellois. Francis dit “Lou” Deprijck a succombé suite à une septicémie.
- Publié le 19-09-2023 à 21h06
- Mis à jour le 19-09-2023 à 22h49
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”Ci-gît Francis Lou Deprijck, saltimbanque, mort le plus tard possible et tegen zijn goesting, contre son gré” : telle est l’épitaphe que le célèbre producteur et compositeur belge nous avait confié vouloir sur sa tombe. Il nous l’avait formulée, avec son humour légendaire (”Il faut toujours garder une notion d’optimisme”) lors de l’enterrement de son ami Claude Barzotti le 1er juillet dernier. Mais aussi en août dernier lorsqu’il nous avait accordé un grand entretien, chez lui, à Lessines. Le chanteur des Two Man Sound, des Hollywood Bananas, de “Kingston Kingston” et de plusieurs hymnes de nos Diables rouges nous ouvrait les portes de son musée du slip où il habite. Mais aussi de sa grange remplie d’archives, de disques d’or et d’objets plus surréalistes les uns que les autres.
Son futur mariage, sa vie de star en Thaïlande (avec le titre Pataya Pataya), les titres posthumes du Grand Jojo qu’il devait sortir ici en septembre ou encore ses excès, sa fortune (qui se chiffre en millions) et son dernier combat remporté contre Plastic Bertrand (après “Ça plane pour moi” il y a dix ans, il est aussi devenu l’interprète original de “Stop ou encore” cet été selon Playright), Lou nous disait tout. “C’était le dernier des Mohicans de cette génération New beat et d’une certaine idée de la Belgique de papa”, se souvient encore notre photographe Jean-Christophe Guillaume présent avec nous lors de ce grand entretien qui avait des allures testamentaires. “On sentait un apaisement de se confier sur ses affaires avec Plastic Bertrand. Il était heureux d’avoir enfin eu cette reconnaissance.”
Côté santé, celui qui est autant connu en Flandres qu’en Wallonie nous confiait alors que “tout allait bien”, malgré une canne qui ne le quittait plus et un physique très amaigri. “Je viens de passer des tests assez poussés et on m’a dit : 'Vous êtes toujours vivant, c’est déjà pas mal !' Le découvreur de talents (Plastic Bertrand, Viktor Lazlo, etc.) se vantait d’avoir de “bons gènes” avec un papa de 97 ans et qu’il n’avait jamais fumé ou “à peine un havane”.
Deprijck : un Lou dans la Belgerie
Lou Deprijck, qui avait brigué un poste politique lors des élections communales de Lessines en 2012 (pour le MR), était reconnu aussi pour son surréalisme à la Belge. Grand fan de René Magritte, l’homme surréaliste jusque dans son look avait donné son nom à son chat (Monsieur René) mais aussi une statue à l’effigie du peintre à sa ville. Une passion transmise à son fils qui a réalisé plein de bouquins sur Magritte. Dernier en date, via une idée de Lou : Lessines-moi un mouton. “L’histoire d’un gars qui tue plein de gens pour des raisons futiles et il les remplace par des têtes de mouton (rire) !”
Avec Deprijck, il y a toujours eu “un Lou dans la Belgerie” comme il s’amusait à dire. Bref, il ne faut pas avoir peur du Lou, il ne mord pas. Au contraire, il avait le cœur sur la main à en croire ses proches et était un surdoué de la musique. “Toots Thielemans m’avait toujours dit : 'T’es pas un grand chanteur ni un super producteur mais t’as un truc que les autres n’ont pas : le pif et l’oreille en même temps, c’est très rare !' Je travaille au feeling, ma vie c’est un accident (sourire) !” Pour preuve, cet été, il devait monter sur scène avec les… Red Hot Chili Peppers sur la scène de Werchter. Les Américains voulaient reprendre avec lui “Ça plane pour moi”. Mais il a préféré se reposer avant de se rendre à l’enterrement de son ami Claudio. Qu’à cela ne tienne, quelques jours plus tard, il a donné un concert dans un bar avec… le batteur du groupe, Chad Smith.
”Il était notre Facteur cheval belge à nous”
Et ce n’est pas Nadine Monfils qui dira le contraire sur la vie surréaliste de Lou Deprijck. “On était très proche, nous confie l’écrivaine belge (qui a écrit une série sur Magritte), amie de plus de 50 ans du saltimbanque, très émue. Je l’ai connu à 18 ans. On ne s’est jamais perdu de la vue et on est restés très amis. On a fait trois chansons ensemble, je lui ai écrit trois paroles de musique : “Magritte”, le “Lou” et “Georgette” car on a une passion commune pour Magritte. Il est aussi venu voir ma pièce de théâtre. C’était un homme généreux, gentil, drôle. C’est pour qu’il avait adoré mon rêve d’un fou parce qu’il était comme mon personnage du Facteur cheval. Lou état notre Facteur cheval belge à nous.”
Et l’auteure des Enquêtes du commissaire Léon ou encore des Folles enquêtes de Magritte et Georgette de nous révéler les causes de son décès. “Il était hier soir dans un entre-deux, un état grave à Erasme et les médecins ne se prononçaient, nous confie la réalisatrice de 70 ans, encore sous le choc. J’espérais que ça allait aller car il a déjà eu plein d’autres déboires dans sa vie et il s’en est toujours sorti. Un jour, il est tombé dans une cage d’ascenseur, d’où sa canne. Enfin, des trucs pas possibles… On s’aimait vraiment beaucoup. C’était un clown génial qui adorait la vie. La dernière chanson que j’ai faite pour lui s’intitulait “Vis”, vis comme si tu voulais mourir demain… vis comme un nomade sur le chemin. Et sois fou, vis !” Car il vivait ainsi.”
Nadine Monfils devait même passer les fêtes de fin d’année en Thaïlande avec l’homme au tchapia de Lessines. “Ce que je sais, c’est qu’il a eu un staphylocoque doré, une septicémie en fait. Il a été à l’hôpital à Ath et, après, ils l’ont remballé chez lui. Comme il n’allait toujours pas bien, ils l’ont emmené aux urgences à Erasme et il est parti ce matin vers 10 h 30, quelque chose comme ça… il était avec sa copine Vanessa qui est restée près de lui jusqu’au bout.” Contacté par nos soins, sa petite amie de 51 ans sa cadette, était en effet “incapable de parler” et encore “sous le choc”. Vanessa Vanderkimpen, sosie féminin de Michael Jackson avec qui il devait se marier en ce mois de septembre à Las Vegas, lui a alors rendu un bel hommage sur Facebook. “Mon soleil… mon chéri… mon homme, mon tout… je t’ai accompagné jusqu’à ton dernier souffle comme tu le voulais…. Tu seras mon seul et dernier amour…. JE T’AIME !”
