La lente mue du zoo d'Anvers
Depuis plusieurs mois, mine de rien, le zoo d'Anvers a entamé une mue profonde; un chantier qui va durer dix ans. Fin mai 2007 a démarré la démolition de 31 maisons de l'Ommeganckstraat et de la Ploegstraat, qui bordent le fond du parc zoologique.
- Publié le 25-11-2007 à 00h00
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éclairage
Depuis plusieurs mois, mine de rien, le zoo d'Anvers a entamé une mue profonde; un chantier qui va durer dix ans. Fin mai 2007 a démarré la démolition de 31 maisons de l'Ommeganckstraat et de la Ploegstraat, qui bordent le fond du parc zoologique. Point de branle-bas de combat, pour autant, ni bulldozer, ni fermeture à la clé; tout au plus le déménagement de certains animaux dans un enclos voisin - c'est actuellement le cas d'un okapi et de quelques oiseaux. Le plus grand acteur touristique du pays (1,1 million de visiteurs en 2006) reste ouvert 365 jours sur 365, et les désagréments sont limités. "On a choisi de démonter les maisons - acquises par le zoo ces 30 dernières années - étage par étage, presque brique par brique. On tente de faire le moins de bruit et de poussière possible, de ne pas trop déranger les animaux, les riverains et les visiteurs" indique Caroline Sacré, attachée au service communication du zoo. La moitié des maisons ont déjà disparu, tandis qu'est érigé un mur provisoire qui offre des contacts visuels avec le zoo depuis la rue.
L'espace libéré va agrandir le zoo d'un hectare et demi, soit de 10 pc. Ces démolitions étaient le seul moyen de l'étendre : si, lors de son ouverture en 1843, le parc n'occupait qu'1,6 hectare et était entouré d'espaces verts, il est aujourd'hui cerné par la métropole. Les travaux visent, entre autres, à augmenter le bien-être des animaux (ou réduire leur mal-être, selon le point de vue, on n'ouvrira pas ce débat ici); à mettre le zoo en conformité avec les normes régissant leur détention - pas toujours respectées dans les parcs zoologiques belges, comme l'a montré un rapport de l'ASBL Gaïa en 2003. Ainsi, les girafes et les okapis, actuellement fort à l'étroit, auront davantage d'espace dès la fin de la démolition, au printemps 2008.
Masterplan à dix ans
Ce n'est là que la première phase d'un vaste réaménagement du jardin zoologique, qui fera l'objet d'un "masterplan" étalé sur dix ans, avec un budget de 30 millions d'euros auquel participe le gouvernement flamand. Le bureau d'architectes gantois Robbrecht et Daem (auteur notamment du Concertgebouw à Bruges) a été désigné, parmi 105 candidats, pour concrétiser ce projet complexe mais séduisant. "Le zoo d'Anvers, tous les Belges l'ont visité, il est en quelque sorte une part de nous-mêmes" analyse Johannes Robbrecht.
Outre les besoins des animaux, le masterplan tiendra compte de l'évolution des missions du zoo au cours des dernières décennies. Il est amené à jouer un rôle accru dans la sensibilisation du public aux espèces menacées. Surtout, "le but n'est plus d'exposer un maximum d'espèces, affirme Caroline Sacré. De plus en plus, le zoo met en place des programmes d'élevage, de reproduction et d'étude, et se spécialise dans quelques espèces, au sein d'un réseau européen". La Société Royale de Zoologie d'Anvers - aussi à la tête du parc animalier Planckendael - gère le pedigree du singe-lion à tête dorée, du bonobo, de l'okapi, du paon du Congo... À noter que les travaux de son département "recherche" lui ont valu, en 2006, le prix de la European Association of Zoos and Aquaria. "On exposera sans doute moins d'espèces. On n'a pas encore décidé, par exemple, si les gorilles restent ici", indique Ilse Segers, porte-parole du zoo.
Patrimoine à préserver
Les contraintes balisant la rénovation ne concernent pas que son patrimoine "vivant". Ce jardin zoologique construit essentiellement au XIXe (à revisiter aussi via des films d'archives, cf. ci-dessous) est classé comme monument. "Tout est classé, précise Ilse Segers : bâtiments, couleurs, matériaux, étangs, arbres...". Y compris les anciennes volières en fer forgé, désormais non conformes et donc vides. Ou le Temple égyptien hébergeant actuellement les girafes, qui devra trouver une nouvelle affectation.
Le zoo, c'est également, autre caractéristique à préserver, "un parc, un endroit où les gens se rencontrent, havre de paix dans la ville" souligne Ilse Segers.
Un canyon, oasis dans la ville
Message reçu par le bureau Robbrecht et Daem. Sur la zone dégagée côté Ommeganckstraat, "l'idée générale de notre projet est celle d'un canyon, pour répondre, par opposition, au côté de la gare, très urbain. Une oasis, cocon, paysage dans lequel le public serait immergé, où il circulerait au ralenti, observerait tranquillement les animaux" explique Johannes Robbrecht, en montrant les premières esquisses de l'extension. Pour ce faire, le bureau gantois a imaginé un "collier de pavillons", "bâtiment-mur" en ligne brisée, inspiré de fortifications verdoyantes de la ville de Lucques, en Italie, et des falaises de la côte irlandaise, confie l'architecte. L'extérieur du "bâtiment-mur" sera en brique, "matériau chaleureux, tactile", avec des "failles" offrant des passages visuels. Ce "bâtiment-mur" et ses abords extérieurs devraient accueillir les singes - parfois dans des abris en formes de prismes irréguliers, tels des rochers transparents -, les girafes, les éléphants et une volière. Et une orangerie offrant une vue panoramique et "des activités ludiques, une grande table à dessin par exemple. Le zoo est lieu d'éducation mais aussi de divertissement. Il y aurait un cirque de verdure où les enfants pourraient jouer aux animaux".
Pergolas dans les volières ?
L'entrée du zoo sera également repensée. Les architectes imaginent faire de l'actuelle zone d'accueil au sens large (au-delà du guichet, autour du kiosque) un parc, un square semi-public - il pourrait, à certaines occasions, être fermé côté zoo et rue, mais ouvert sur la salle Reine Elisabeth voisine. Un nouveau centre d'accueil du zoo serait érigé au bout de ce square, près de l'actuel bâtiment des singes. Le pavillon longeant la Ploegstraat, devant lequel on observe les zèbres pour l'heure, serait réaménagé en restaurant; les anciennes volières pourraient y être déplacées et devenir - la bonne idée ! - des pergolas. Tandis que, sur un terrain situé de l'autre côté de la Ploegstraat, une annexe serait construite pour abriter les bureaux .
"On a jusqu'à mai pour élaborer le masterplan, puis dix ans pour l'exécuter, en plusieurs phases. On déplacera les animaux au fur et à mesure des travaux" résume Johannes Robbrecht. Joli casse-tête, d'autant qu'"en tant qu'architectes, on a appris à concevoir des bâtiments pour des humains, à 1m90. Ici, on travaille avec d'autres tailles, d'autres comportements, des dizaines d'espèces différentes !" note l'architecte, qui a visité plusieurs zoos en Europe et, pour le reste, s'appuie sur les recommandations émises par le zoo d'Anvers. Reste à allier "respect du patrimoine et touches contemporaines visibles". De ce côté, le bureau gantois n'est pas inexpérimenté : il a rénové quelques bâtiments anciens, dont l'entrepôt Saint-Felix pour les Archives de la ville d'Anvers, et est en charge de la restauration de la "Tour des Livres" à Gand.
Dans les coulisses du zoo de jadis Le DVD "Zoologie" montre le zoo d'Anvers comme beaucoup ne l'ont jamais vu, et comme d'autres l'ont connu il y a longtemps : entre 1910 et 1960. Une compilation de films d'archives (d'une durée d'1 à 22 minutes), reportages, sujets d'actualités, films éducatifs, de fiction ou de promotion, fait ainsi découvrir le zoo sous différents angles, côté public et côté coulisses. Avec quelques incursions dans le contexte plus large de la ville d'Anvers (des images de 1910 notamment), des voyages effectués par les animaux de leur pays à la Belgique, de l'actualité (colonies, guerre...) et des mentalités de l'époque. La Cinémathèque royale, ici en collaboration avec le zoo, poursuit ainsi, après un premier DVD "Expo 58", sa série historique dédiée à d'importants moments de la mémoire collective du XXe siècle. Dans "Zoologie" (DVD + livret, 19 €, en vente au Zoo ou via www.cinematheque.be), pointons "Coup d'oeil en coulisses", film scolaire de 1949 centré sur les soins apportés aux animaux : il donne une vision assez idyllique du zoo et du dévouement de l'homme à l'animal (sans épargner quelque image crue au jeune public, comme le gavage d'un serpent aux cobayes fraîchement tués et empalés). Il y a aussi le fascinant "Gust" (1953), film muet contant une journée dans la vie de ce bébé gorille, et l'attachement qui l'unit à son gardien. Mais aussi ces images de la Libération, montrant des prisonniers allemands "parqués" dans les cages du zoo...