Tous les détails du big bang des musées
C’est un vrai big bang muséal qui se prépare à Bruxelles, à en croire le contrat d’administration de la Politique scientifique signé en juillet.
Publié le 09-09-2012 à 09h13
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C’est un vrai big bang muséal qui se prépare à Bruxelles, à en croire le contrat d’administration de la Politique scientifique signé en juillet. Nous avons déjà présenté ce plan de refonte total du paysage des musées à l’horizon de 20 ans : regroupement dans un "Pôle art", nouveaux musées thématiques à la pelle, échanges des collections, "chemin muséal" dans la ville, etc. Ces intentions figées dans un texte officiel suscitent émotion et questions dans les milieux concernés (voire franches oppositions) et, par contre, une quasi totale indifférence du monde politique. Au centre, on trouve Michel Draguet, directeur du musée des Beaux-Arts et directeur ad interim au Cinquantenaire. Il a l’oreille de Philippe Mettens, le patron de l’administration, et postulera dès que l’appel sera lancé à la direction du futur Pôle art (il ajouterait alors la fonction de directeur de l’Irpa, l’Institut du patrimoine artistique).
Nous l’avons interrogé sur ces dossiers. Résumé de ses propos.
1- Le report du futur "musée Fin de siècle". L’ouverture prévue en novembre a été reportée au 7 mai. "Il y a des règles à respecter. Travailler pour le musée Magritte avec GDF-Suez fut 100 fois plus confortable. On vit dans un système où on renforce de plus en plus les contrôles et où il y a de moins en moins pour l’opérationnel. Les lois sur les marchés publics sont de plus en plus lourdes, recruter demande chaque fois plus de temps. D’autant que, parfois, on veut nous faire faire des économies en faisant traîner les dossiers. J’aimerais mieux, comme en Allemagne, qu’on annonce clairement les économies. Dans ces conditions, il devient difficile d’avoir un timing et de le respecter. Mais j’espère que le 7 mai, quatre ans après le musée Magritte, on pourra ouvrir et qu’on verra que ce sont les bénéfices générés par le musée Magritte qui paient une bonne partie de ce nouveau musée."
2- L’implantation provisoire du musée d’Art moderne. La création du musée Fin de siècle a signifié, il y a un an et demi, la fermeture du musée d’Art moderne. Depuis, le ministre Paul Magnette a promis de rouvrir ce musée dans les salles dites "extensions" du musée des Beaux-Arts, dans un délai d’un an et demi. "Paul Magnette, en arrivant à son poste, s’était directement impliqué dans le dossier. Pour moi, le dispositif prévu initialement d’exposer des tableaux modernes dans le patio, et de les montrer dans des expositions à l’extérieur en attendant le futur musée, était suffisant, mais il a choisi de répondre à la demande et a annoncé qu’il y aurait une rapide réouverture du musée. En tant que fonctionnaire, j’ai suivi son injonction mais il est ensuite apparu que rénover les salles "extensions", pour y déplacer provisoirement l’Art moderne, aurait impliqué cinq à sept millions d’euros alors que ces salles devront ensuite subir une rénovation lourde. C’eût été donc un investissement à perte. En bon père de famille, la Régie des bâtiments et le ministre se sont alors tournés à nouveau vers le Dexia Art Center, ou plutôt le Vanderborght, près des galeries de la Reine. C’était plus raisonnable. La ville, propriétaire du lieu, est prête à un partenariat avec nous. Elle attend cependant d’abord que le gouvernement fédéral décide de ce projet et lui fasse ensuite la demande. Il faut aussi attendre les élections communales. Nous avons préparé un "business plan" qui prévoit des investissements a minima mais pérennes qui resteront utiles pour la suite (sécurité, électricité, etc., pour une dizaine de millions). Il y aurait, dans ce que j’appelle le "Postmodern Lab Museum", 8 000 m2 dont la moitié pour exposer l’art moderne et contemporain, en préfiguration du futur musée à construire. On y prévoit 375 000 visiteurs la 1re année et 250 000 les années suivantes. Une fois le feu vert donné par le gouvernement et la ville, cela prendrait deux ans : un an d’études, un an de travaux. Avant le feu vert, il faut laisser à l’Inspection des finances le temps d’étudier tout le projet. Une partie du Vanderborght servirait aussi pour y placer des réserves du Cinquantenaire, qui n’a pas assez de place pour bien les stocker."
3- Une "chaîne de musées". Prenant exemple sur Vienne et Berlin qui ont des "quartiers de musées", et pour aider à ce que les visiteurs circulent du bas de la ville vers le haut et vers le Cinquantenaire (très, très peu le font), Michel Draguet propose un "chaînage" de musées, depuis le Vanderborght, Bozar, la Bibliothèque royale, le pavillon Dynastie inoccupé, le Mim et le musée des Beaux-Arts pour continuer vers le Wiertz, les Sciences naturelles et, au Cinquantenaire, le futur musée d’Art moderne qu’il rêve toujours de placer là. "C’est une perspective qui doit enthousiasmer la Région et la ville. A Berlin, avec l’île aux Musées, le nombre de visiteurs a augmenté de 78 % en huit ans, soit six millions en plus, avec toutes les retombées économiques que cela signifie pour les musées et pour la ville."
4- Le futur musée. Le projet reste de construire dans un délai de dix à 15 ans, à Bruxelles, un nouveau musée pour y exposer l’art moderne et contemporain. "Il ne faut pas bousculer les choses. Je viens de recevoir un budget de la Loterie pour commander à de grands architectes (du style de Libeskind ou Sanaa) des croquis d’implantations possibles de ces musées dans les trois ou quatre sites possibles (Tour & Taxis, les anciennes brasseries Wielemans au canal et le parc du Cinquantenaire). C’est ce dernier site qui garde ma préférence comme gestionnaire de collections fédérales. Au Cinquantenaire, des économies d’échelle sont possibles avec le musée actuel. Je n’ai pas, moi, à gérer la mixité sociale dans la ville ou le développement de quartiers défavorisés. Nous implanter ailleurs coûterait plus cher. Ces croquis d’architectes permettraient de mieux visualiser les choses et d’organiser un débat sociétal. C’est maintenant le ministre et nous qui pilotons ce dossier, avec le soutien des amis du musée des Beaux-Arts, présidés depuis peu par Philippe Delusinne."
5- Le Mim. On continuera à investir dans le musée des Instruments de musique actuel, entre autres en stimulant l’exposition du jazz et des musiques actuelles, en plaçant le "shop" vers la rue. A terme, dans 15 ans sans doute, il irait au Vanderborght avec la Monnaie pour y trouver des espaces bien plus larges.
6- Le "Fiamminghi" . Dès l’ouverture du "Fin de siècle", on s’attaquerait au musée "Fiamminghi" dans la section art ancien. Draguet est conscient que le rapatriement des retables du Cinquantenaire suscitera de l’émotion. "Pour l’ instant, les visiteurs sont très, très peu nombreux. Il vaut mieux redéployer le Cinquantenaire autour de points forts attirant les gens, comme la Grèce et l’Egypte ou les civilisations non européennes."
7- Calendrier et coût. " On parle ici, au total, d’un plan de 20 ans au moins mais le coût total n’atteint pas la moitié du coût d’un stade de foot. On a bien trouvé des moyens pour louer des prisons. On pourrait aller bien plus vite si on en avait la volonté. C’est un choix de société de choisir de financer la culture et plus que ça, car c’est montrer que l’Etat entretient son patrimoine et qu’il a compris que la culture peut être aussi un outil de développement. Mais on se sent parfois très seul à tirer tout cela, sous les tirs de barrage des uns et l’indifférence des autres. J’aimerais qu’on puisse se mettre tous autour d’une table et décider."