L’art c’est comme l’amour
Martine Aubry, la maire de Lille, a cette belle phrase : "L’art ne sert à rien, c’est comme l’amour". Et elle en sait quelque chose ayant choisi pour sa ville, de miser sur la culture.
Publié le 26-11-2012 à 04h15 - Mis à jour le 26-11-2012 à 16h52
Un commentaire de Guy Duplat
Martine Aubry, la maire de Lille, a cette belle phrase : "L’art ne sert à rien, c’est comme l’amour". Et elle en sait quelque chose ayant choisi pour sa ville, de miser sur la culture. C’est aussi elle qui, un an avant l’élection présidentielle, avait surpris lors d’un colloque à Avignon, en annonçant que si elle était élue, elle doublerait le budget de la culture. On ne saura jamais si elle l’aurait fait, mais elle a le mérite de poser le problème : La culture, en période de disette, est-elle un luxe ou une nécessité ?
Quasi tous les pays européens font des coupes drastiques dans la culture. La Belgique francophone y a partiellement échappé, mais les économies radicales que la ministre Fadila Laanan a annoncées dans les aides à la création en théâtre, danse et musiques non classiques ont mis le feu aux poudres. Un collectif créé par six metteurs en scène, "Conseildead", a pris la tête de ce mouvement et rencontre ce lundi après-midi le ministre président Rudy Demotte pour tenter d’obtenir le retrait des mesures et la reconnaissance de l’importance de la création en temps de crise.
Le bureau Kurt Salmon vient de présenter au "Forum d’Avignon", une étude démontrant que l’investissement dans la culture était une nécessité pour stimuler la créativité des entreprises et donc stimuler l’économie.
Le groupe "Conseildead" (maintenant rejoint par les compagnies de danse) répète que ces aides sont un levier puissant d’emplois. Les artistes, quasi tous sous contrat d’intermittent, ne coûtent pas cher et un projet théâtral peut générer beaucoup d’emplois. Le chorégraphe Bud Blumenthal explique qu’une création de 2010 qui a bénéficié d’un subside de 40000 euros, a engendré au final, par ses tournées, 450000 euros dont 80 % en salaires.
Mais au-delà de cela, se pose la question de la place encore de l’art aujourd’hui, comme espace possible de rêve, de résistance, de lieu pour penser le monde et oser l’aventure. Nous vivons dans un environnement anxiogène, fermé, où on répète le mot crise sans que jamais un "big brother" n’apparaisse. La crise semble un mur sans brèche. Alors la culture reste une faille pour imaginer un autre monde, ou du moins le rêver.
Le philosophe Gilles Deleuze, explique dans son abécédaire qu’il y a des moments où la culture s’arrête. Et il ajoutait que personne ne le voit. Peut-être approche-t-on de ce moment où toute la place sera prise par le seul divertissement avec la victoire d’une culture seulement destinée à nous anesthésier ?
Face à cela, le rôle de l’Etat et de ses subsides est de faire survivre cet art qui comme l’amour ne sert à rien, sauf à nous donner la beauté et le rêve, à partir sur des sentiers neufs, à nous garder debout, à nous permettre de résister et à nous donner un avenir.
L’intérêt des débats en cours est de mettre ces questions de société sur la table. Au fédéral aussi, on a vu comment l’avenir de nos musées n’a intéressé personne dans la dernière campagne électorale et le ministre Paul Magnette s’apprête à partir à Charleroi en laissant toujours quatre établissements scientifiques sur dix avec des directeurs intérimaires depuis des mois et un musée d’Art moderne toujours fermé.