Economies fédérales: "Qui étudiera demain nos années noires ?"
Le Centre Guerre et sociétés contemporaines (Cegesoma), menacé dans son existence par les coupes budgétaires dans le secteur culturel, tire la sonnette d'alarme.
Publié le 26-10-2014 à 18h31 - Mis à jour le 27-10-2014 à 10h28
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Al’instar d’autres institutions fédérales priées de se serrer la ceinture, le Cegesoma, le Centre d’études Guerre et sociétés contemporaines lance un SOS.
Le digne héritier du Centre d’études de la Seconde Guerre mondiale, créé voici 47 ans, dirigé d’abord par Jean Vanwelkenhuyzen, piloté ensuite par José Gotovitch puis par Rudi Van Doorslaer, sonne le tocsin dans une édition spéciale de son Bulletin qui ne paraîtra plus en format papier.
"La" Revue d’Histoire condamnée
"En outre, la revue scientifique que l’institution publie depuis sa création en 1969, et qui a fusionné l’année dernière avec une autre revue prestigieuse, devra également disparaître sous ce format. Pour la petite histoire, c’est dans cette revue que Bart De Wever, alors assistant à la KU Leuven, a publié en 1997 l’un de ses premiers articles scientifiques dans un numéro consacré au… nationalisme" .
Pour M. Van Doorslaer "contrairement à la plupart des services publics fédéraux, les institutions scientifiques ne procèdent pas à des activités de routine. Dans nos centres de recherche et de documentation comme dans nos musées, il s’agit presque toujours de travail sur mesure qui requiert une spécialisation et donc une activité qualitative. Couper dans les budgets de manière linéaire - 4 % des coûts salariaux et 20 % des frais de fonctionnement en 2015 (c’est déjà demain !) - relève d’une vision étriquée et mènera en un an à la destruction de ce qui a mis des générations à se construire" .
L’historien dit comprendre le souhait de modernisation des institutions scientifiques afin de les rendre plus efficaces. "Mais ces économies nous racontent une tout autre histoire. Le gouvernement veut-il démanteler, à terme, nos institutions ?" Le Cegesoma demande au gouvernement de prouver le contraire. "Car après 2015 suivront des économies annuelles de 2 % jusqu’en 2019, ce qui équivaut à un total de 12 % d’économie sur les salaires. Toutes nos réserves seront épuisées en 2015. Il faudra licencier du personnel. Il faudrait aussi tenir compte des indemnités légales qui accompagnent ces licenciements. Tous les autres collaborateurs scientifiques sont sous contrat à durée déterminée, sur des projets financés de manière extérieure".
La Shoah belge mais aussi l’affaire Lahaut
Rudy Van Doorslaer déplore que les restrictions linéaires prévues ne tiennent nullement compte des spécificités du Cegesoma. Celui-ci ne compte que des employés sous contrat de travail. Leur licenciement sonnerait le glas du Centre.
"Cela veut dire que ce pays à deux courants culturels ne comptera plus de centre scientifique spécialisé dans l’histoire des décennies les plus sombres du siècle dernier. Qui étudiera demain nos années noires ?".
Pour rappel, c’est le Cegesoma qui a réalisé le rapport sur l’attitude des autorités belges dans la Shoah à la demande du gouvernement et du Sénat. C’est encore lui qui analyse toujours l’assassinat de Julien Lahaut, révélant des dysfonctionnements structurels du monde judiciaire.
Qu’on le veuille ou non, on ne peut s’empêcher d’y voir un agenda politique cher à la N-VA. Et Van Doorslaer de conclure : "le gouvernement fédéral souhaite-t-il qu’un centre d’expertise sur l’histoire contemporaine, jouissant d’une réputation scientifique internationale et d’un rayonnement culturel croissant, continue d’exister en le finançant de manière pérenne ? Dans l’accord de gouvernement, promesse est faite d’évaluer et de réimplémenter les dotations des établissements vers la mi-2015 . J’espère que le bon sens reprendra le dessus…".
Rudi Van Doorslaer (Crédit: Belga)
Quand protégera-t-on enfin le mémorial d’Oostakker ?
Reconnaissance. Vendredi, a eu lieu à Oostakker, près de Gand, une brève mais poignante cérémonie à l’occasion du septantième anniversaire, jour pour jour, de la découverte d’une tombe commune de 66 résistants fusillés par les Nazis près d’un dépôt de munitions. Ils avaient été identifiés entre le 24 octobre et le 10 novembre 1944 par une équipe dirigée par le Pr Frédéric Thomas de l’Université de Gand. La cérémonie s’est déroulée en présence du gouverneur de la Flandre Orientale, Jan Briers, du bourgmestre de Gand, Daniel Termont et de la cheffe de groupe provinciale Open VLD, Martine Verhoeven. Cela mérite d’être signalé certainement à propos du gouverneur dans la mesure où il avait été proposé et soutenu lors de sa nomination par la N-VA…
Urgence. Mais plus encore que la présence symbolique d’un gouverneur qui, au fond, représente l’Etat belge, on retiendra surtout l’appel urgent à une véritable protection de ce site qui a reçu de plus en plus de visites nationales et internationales au fil du temps. Mais aussi invraisemblable que cela puisse paraître, si le site a été classé, il n’est toujours pas sauvé. C’est que les méandres administratifs sont gigantesques mais en outre, le site souffre d’un vandalisme déplorable à répétition. Une solution semble en vue mais comme les rescapés de la Seconde Guerre se font rares, on a tendance à les oublier…