Didier Reynders veut diminuer l’effort culturel de moitié
Didier Reynders (MR), ministre des Affaires étrangères, a aussi la tutelle sur les trois grandes institutions biculturelles bruxelloises (le palais des Beaux-Arts, la Monnaie et l’Orchestre national de Belgique) et sur Beliris. Il réagit à la grande inquiétude du monde culturel. Entretien.
Publié le 04-11-2014 à 18h59 - Mis à jour le 05-11-2014 à 06h50
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Didier Reynders (MR), ministre des Affaires étrangères, a aussi la tutelle sur les trois grandes institutions biculturelles bruxelloises (le palais des Beaux-Arts, la Monnaie et l’Orchestre national de Belgique) et sur Beliris, l’outil de financement supplémentaire de la Région bruxelloise par le fédéral. Il réagit à la grande inquiétude du monde culturel. Peter De Caluwe, le patron de la Monnaie, avait évoqué le risque d’un "black-out culturel".
Etait-il malin, de la part du gouvernement, de se mettre à dos tout le monde culturel en annonçant de telles coupes budgétaires et à appliquer sans le moindre délai, ni la moindre concertation ?
J’ai pris le temps de rencontrer les dirigeants de ces institutions. J’aurais aimé que le secteur culturel, lui aussi, attende d’abord de discuter avec moi avant de réagir comme ça, mais soit. Je peux vous dire qu’il n’y aura pas de black-out culturel comme on l’a craint, mais, au contraire, une exception culturelle. Depuis des années que je suis aux affaires, j’ai souvent aidé le monde culturel, comme avec le musée Magritte (grâce à la Régie des bâtiments et au mécénat de Suez), ou l’instauration du "tax shelter" pour le cinéma, que je vais d’ailleurs proposer d’étendre aux arts de la scène. Ici, je demanderai pour 2015 une exception culturelle qui ramènera l’effort à fournir par les trois institutions biculturelles dont j’ai la tutelle, à 50 % seulement de l’effort demandé en général. Soit une économie globale à faire pour eux trois de 2,7 millions au lieu de 5,1 comme annoncé d’abord. Je supprime d’abord tout effort nouveau sur le personnel. Pour la Monnaie et l’ONB, c’est trois quarts de leur budget qui est immunisé ainsi. Et je ramène l’effort sur les frais de fonctionnement de 20 % à 15 %. La Monnaie ne fera plus que 1,4 million d’économies (au lieu de 4 millions), l’ONB, 300 000 euros, et Bozar, seulement 1 million (comme, dans son cas, les frais de personnel sont peu importants, j’aide là davantage sur les coûts de fonctionnement).
Il reste des économies à faire ?
Certes, mais pour les 2,7 millions qui restent, je verrai ce que peuvent apporter en plus, pour soulager ces institutions, la Loterie nationale, la Régie des bâtiments, Beliris et les Affaires étrangères, qui ont souvent soutenu ces institutions au nom de l’image de marque de la Belgique. Il faudra aussi rencontrer l’Europe et son nouveau président Jean-Claude Juncker. Si on répète que Bruxelles est aussi la capitale culturelle de l’Europe, celle-ci devrait aider (pourquoi pas en y injectant un peu des 300 milliards d’euros qu’on veut pour la relance). Je suis le seul ministre bruxellois du gouvernement, Bruxelles me concerne de près. Le ministre flamand de la Culture, Sven Gatz (Open VLD), a aussi dit qu’il voulait me voir pour aider ces institutions. Tant mieux.
Et les années suivantes ?
Il y aura encore un effort à faire de 2 % par an, mais on peut y arriver avec l’aide des noms que je viens de citer. Mais aussi en améliorant l’efficience des trois institutions biculturelles : le ticketing, des collaborations entre l’ONB et l’orchestre de la Monnaie (sans aller jusqu’à la fusion). Je le répète, j’ai été fort étonné que tout le monde culturel réagisse aussi vite alors que j’ai montré souvent par le passé qu’on pouvait accommoder les choses. L’accord gouvernemental le dit d’ailleurs; qui prévoit qu’on investisse dans ces institutions - ce n’est donc pas le black-out ! - et que les petites structures - donc la culture - peuvent être exemptées des efforts sur le personnel.
Vous ne parlez que de "vos" trois institutions. L’exception culturelle dont vous parlez vaut-elle aussi pour les établissements scientifiques fédéraux, dont les musées, la Bibliothèque royale, etc. qui sont soumis, eux aussi, à des économies drastiques et qui dépendent, eux, de la secrétaire d’Etat Elke Sleurs (N-VA) ?
J’ai toujours eu un intérêt pour ces institutions et j’ai obtenu jadis, pour elles, l’exemption de cotisations sociales pour les chercheurs. Avec la Régie des bâtiments, j’ai beaucoup aidé les musées. J’attendrai donc que le dossier d’Elke Sleurs arrive sur la table du gouvernement pour réagir.
Généraliser aux musées le statut de Bozar et de la Monnaie
Certains soupçonnent la N-VA d’avoir un agenda caché et de vouloir assécher la culture à Bruxelles. Or, elle contrôle bien des leviers de la culture, avec Elke Sleurs qui dirige la Politique scientifique mais aussi avec Jan Jambon qui a la tutelle sur la Régie des bâtiments ?
Si, comme vous le dites, la N-VA a la maîtrise de certains leviers, elle ne l’a pas en tout cas sur moi. Beliris dépend de moi et a toujours été prêt à soutenir des projets de ces institutions culturelles à Bruxelles. Même si la première priorité de Beliris sera d’aider à la mobilité dans la capitale. Je me souviens ainsi que j’ai été voir, du haut du musée du Cinquantenaire, le projet d’un nouveau musée d’art moderne contemporain dans le parc, sur la trémie de l’autoroute. Puis, on est venu me voir avec autre chose : la Région veut mettre le musée plutôt dans l’ancien garage Citroën. Avant de me lancer avec Beliris dans des investissements comme cela, je voudrais bien avoir un vrai projet. Personne d’ailleurs ne souhaite qu’on ampute ces établissements fédéraux pour construire un nouveau musée et personne ne veut qu’on oublie la mobilité à Bruxelles, car à quoi ça servirait d’avoir plein de musées si on ne peut les rejoindre.
Vos trois institutions biculturelles ont des statuts particuliers (sociétés anonymes de droit public à vocation culturelle avec des conseils d’administration). Faut-il faire la même chose avec les musées ?
Il faut bouger partout. Je dois, par exemple, changer les conseils d’administration à la Monnaie et à Bozar qui ne l’ont plus été depuis très longtemps.
De crainte que n’y arrivent des N-VA ?
Si le ministre de l’Intérieur est N-VA, je ne vais quand même pas m’opposer à des administrateurs N-VA. Je suis favorable à titre personnel à ce que les établissements scientifiques fédéraux, dont les musées, aient le même type de structure juridique que Bozar et la Monnaie. Il y a eu beaucoup trop, ces dernières années, de conflits de personnes à la politique scientifique.