Le futur musée de Bruxelles? "Au palais de justice"
C'est l'idée de Stefaan De Clerck, ancien ministre de la Justice et ancien président du CD&V, aujourd’hui président du conseil d’administration de Proximus (ex-Belgacom). Il connaît extrêmement bien le monde de la culture. Entretien.
Publié le 04-11-2014 à 19h06 - Mis à jour le 05-11-2014 à 11h29
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Stefaan De Clerck, ancien ministre de la Justice et ancien président du CD&V, aujourd’hui président du conseil d’administration de Proximus (ex-Belgacom), connaît extrêmement bien le monde de la culture. A Belgacom, il dirige maintenant aussi la formidable collection d’art contemporain de la société, que certains rêvent de voir placée au futur musée d’art contemporain de Bruxelles (que la Région veut mettre au garage Citroën). A Courtrai, dont il fut longtemps le bourgmestre, il est proche des grands collectionneurs flamands et est à la base, avec Martine Aubry, de la très belle exposition actuelle au Tri postal de Lille, "Passions secrètes", sur les trésors des collectionneurs flamands.
Fallait-il ces coupes budgétaires dans la culture à Bruxelles ?
J’en suis très malheureux, la culture est la grande richesse, avec la science, pour le XXIe siècle. J’espère qu’avec le dialogue, on pourra trouver des solutions à ces économies qui ne sont pas la meilleure des choses. Mais l’essentiel, ce sont les structures. On manque actuellement de stratégie, de vision pour beaucoup de ces lieux culturels à Bruxelles. J’en suis un très grand défenseur, elles sont cruciales pour le développement futur de Bruxelles. Et il me semble qu’on est un peu dans la confusion : qu’est-ce qu’on en fait ? Qu’est-ce qu’on ne fait pas ? Si on a une vraie stratégie, je suis persuadé qu’on trouvera les moyens. J’ai demandé à Mme Sleurs, la ministre de tutelle des musées, de bien considérer leur poids important pour Bruxelles.
Quelle est votre vision ?
Il faut réfléchir à l’idée d’un "Bruxelles métropole", au-delà de la Région. J’ai vu à Courtrai ce que notre alliance métropolitaine avec Lille et Mons peut apporter. Un grand Bruxelles culturel est essentiel, mettons tout le monde autour de la table pour en parler. Que fait-on alors ensemble ? Comment créer des synergies entre le privé et le public ? Quelles collections a-t-on ensemble ?
Certains disent que ces institutions ont été longtemps mal gérées ?
J’ai été à la base du changement de statut de la Monnaie et de Bozar, devenues des sociétés anonymes de droit public à but social avec des conseils d’administration. Et le résultat est formidable. Bozar est devenue une institution modèle, à vocation européenne, le point de rencontre des cultures européennes. Je plaide pour qu’on en fasse de même avec les autres institutions culturelles à Bruxelles. On peut alors réfléchir à des rapprochements, à des consolidations : entre ONB et Monnaie, et pourquoi pas une fusion entre le palais des Beaux-Arts, le musée des Beaux-Arts et l’Irpa ? L’Europe, les Régions et les Communautés doivent être associées à cette vision.
La N-VA n’a-t-elle pas un agenda caché pour vider ces institutions culturelles restées fédérales ?
Il faut toujours répéter que la culture fait la richesse de tous, et qu’une culture riche à Bruxelles profite aussi à la Flandre. L’idée de "renfermer la culture" est une contradiction dans les mots même, un discours dépassé. On doit, ensemble, faire des institutions culturelles ouvertes, de "world class".
Certains reprochent la gestion de Philippe Mettens (PS), le "boss" de la politique scientifique, voire de Michel Draguet au musée des Beaux-Arts ?
Je remarque simplement que les plans de Philippe Mettens à la politique scientifique, les pôles, n’ont pas abouti. Et je constate que le monde de l’art a aujourd’hui une certaine méfiance à l’égard de M. Draguet. Un "momentum" possible est passé. Le monde politique est d’ailleurs aussi coupable de manque d’intérêt pour ces institutions. Le monde d’aujourd’hui est global, ouvert, il faut des institutions phares et Bruxelles a un grand rôle à jouer. Bruxelles doit par exemple réaliser ce musée d’art moderne et contemporain. Il faut en créer les conditions optimales mais beaucoup sont prêts à y collaborer.
Le musée au palais de justice : lieu stratégique à transformer formidablement
Quelle est votre vision pour un nouveau musée d’art moderne et contemporain à Bruxelles ?
Le garage Citroën que veut acheter et utiliser, à cette fin, la Région bruxelloise est, certes, un bâtiment iconique, mais tout le monde de l’art me dit que c’est une serre plutôt qu’un musée où on peut exposer des œuvres. Il faut être sensible à ces voix. Je sais que de nombreux collectionneurs sont prêts à apporter leur soutien et à mettre à la disposition du futur musée leurs collections. Ce musée devra être "privé-public". L’Etat fournit le bâtiment, aide par une politique fiscale, apporte toute l’importante partie scientifique; et le privé amène en plus les œuvres contemporaines.
Alors, où implanter ce musée ?
L’étude d’un lieu idéal doit continuer et je pense qu’avant de vouloir faire un geste architectural à la Frank Gehry, il faut restaurer nos bâtiments monumentaux. Je me réjouis qu’on le fasse enfin avec le Conservatoire de Bruxelles. Je propose qu’on étudie vraiment la piste du palais de justice. Voilà un bâtiment exceptionnel où on a 30 000 mètres carrés possibles sous la salle des pas perdus, un lieu formidablement bien situé dans la ville, à deux doigts des galeries d’art. C’est un lieu stratégique qu’on peut formidablement transformer.
Les grandes collections d’entreprises publiques (Belfius, Belgacom) pourraient y aller avec les collections du musée des Beaux-Arts ?
Ce serait utile de protéger la formidable collection Belfius en la transférant à une fondation comme on l’a fait chez nous et qu’elle ne soit plus un simple actif de la banque. Notre collection d’art Belgacom a d’abord comme but de se déployer sur les lieux de travail afin de conforter la créativité de chacun au contact de cet art. Mais la collection devient grande et Dominique Leroy, la CEO de Proximus, est favorable à discuter de prêts dans un futur musée s’il est de grande classe.
Qui va faire bouger les choses ?
Ce doit être un projet de tout le gouvernement fédéral qui y associerait la Région bruxelloise, les Communautés. La société civile aussi doit bouger.