Reynders vs Sleurs: Les musées,... auront, eux aussi, l’exception culturelle!
Didier Reynders obtient son "exception culturelle", Elke Sleurs gagne la même chose pour ses institutions. Faisons le point.
Publié le 06-11-2014 à 17h22 - Mis à jour le 06-11-2014 à 17h45
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Didier Reynders obtient son exception, Elke Sleurs gagne la même chose pour ses institutions. Après la fronde générale des milieux culturels contre les mesures drastiques et immédiates d’économies qui leur sont imposées par la nouvelle majorité, Didier Reynders (MR) était monté au front en annonçant mercredi dans nos colonnes qu’il voulait une "exception culturelle" pour les trois institutions biculturelles qu’il gère (ONB, Monnaie, Bozar) et que les économies demandées seraient divisées par deux. Elke Sleurs (N-VA), secrétaire d’État à la politique scientifique qui a la tutelle sur les grands musées, la Bibliothèque royale, etc., avait réagi dans nos colonnes pour indiquer que Reynders ne parlait qu’en son nom propre sans accord préalable du gouvernement.
Le kern réunissant les principaux ministres avait ce point jeudi matin à son ordre du jour et a trouvé une solution simple : les deux ministres auront droit à la même exception culturelle. Il n’y aura pas d’exception à l’exception culturelle. Didier Reynders lui-même a répondu à la Chambre sur ce sujet, au nom de tout le gouvernement (et non le Premier ministre) et Elke Sleurs est même venue l’embrasser à la fin de son intervention !
Tous les chiffres annoncés par Reynders ("La Libre" de mercredi) sont confirmés. Mais en échange, Elke Sleurs reçoit la même exception sous forme d’un "paquet de millions" qu’elle pourra répartir entre les 13 institutions dont elle a la tutelle afin d’atténuer l’effort budgétaire, en fonction des caractéristiques différentes de chacun. Les experts plancheront.
On pouvait se douter que la solution passerait par là quand on sait que le conflit ne portait que sur des montants dérisoires en soi, mais lourds et très impopulaires dans le monde culturel : chez Reynders, il s’agit de 2,4 millions d’économies en moins à comparer à l’effort structurel de 11 milliards que veut faire le gouvernement, soit 0,02 % de l’effort ! On aurait pu éviter cette crisette et ce précédent, peut-être dangereux, si on avait réfléchi d’abord à l’impact de mesures aveugles sur la culture.
Musées: marre d’être dénigrés !
Un discours réducteur se généralise en Flandre exprimé par Sigfried Bracke (N-VA), le président de la Chambre, qui disait à propos des économies et réformes imposées aux institutions culturelles restées fédérales : "On va au contraire sauver la culture fédérale ! Maintenant, les structures ne sont pas très bien gérées et quand on voit les collections qu’on a et ce qu’on en fait, c’est scandaleux." Musée de Tervuren
Cet amalgame met les directeurs de ces institutions en colère. Y compris celles qui ont de directeurs néerlandophones, comme Tervuren dirigé par Guido Gryseels: "Je récuse totalement, au moins pour nous, l’idée d’une mauvaise gestion et d’une gestion scandaleuse des collections. C’est le contraire. Et ça, malgré que le gouvernement Di Rupo a déjà diminué de 25 % notre dotation. En dix ans, nos revenus sont passés de 10 à 18 millions et la part des subsides est tombée de 90 % à 60 %. Nous avons mis en place un plan stratégique, on construit un nouveau bâtiment, on a un plan de gestion des collections jugé de top niveau mondial. On accueille, chaque année, 180 000 visiteurs et 40 000 enfants. Nous sommes reconnus comme experts mondiaux pour l’Afrique centrale et on forme 130 scientifiques africains chaque année. Nos chercheurs publient 300 publications scientifiques par an. Un des problèmes est qu’il n’y a pas de ministre fédéral de la Culture et qu’on a toujours été dans la politique scientifique."
Musée des Beaux-arts
Michel Draguet, directeur du musée des Beaux-Arts, est souvent visé malgré les succès du musée Magritte et Fin de Siècle. Il réagit : "Ne serait-ce que par respect pour l’excellent travail que nos quelque 260 collaborateurs fournissent quotidiennement dans des conditions souvent difficiles. Nous avons développé un projet culturel qui situe Bruxelles et la Belgique sur l’échiquier international et qui a permis de passer de 2,3 millions d’euros en recettes propres en 2003 à 7,8 millions en 2013. La part de la dotation publique dans notre budget est passée de 54 % en 2003 à seulement 32 % aujourd’hui. Grâce à l’augmentation du nombre de visiteurs (300 000 en 2001, 618 000 en 2013), aux revenus du shop et au mécénat. La fréquentation en hausse du nombre de visiteurs est durable, ils ne sont pas le résultat d’une politique centrée sur des expos à grand tapage. Nous avons opéré un redéploiement des collections dans des bâtiments complexes malgré une perte constante d’effectifs et tout en traversant déjà une première période d’économies drastiques de 11 % de réduction de 2011 à 2014."
Archives générales
Karel Velle, directeur des Archives générales du Royaume, néerlandophone lui aussi, n’aime pas ces amalgames. "Dire que j’ai été surpris d’entendre le deuxième personnage de l’État dire cela est un euphémisme et montre une grande méconnaissance de nos institutions. Il y a évidemment des problèmes comme partout. Mais je suis fier de mon institution et de ce qu’on y a fait depuis dix ans. On vient de lancer notre nouveau site Web, il y a 22 millions de documents en ligne, on a 10 à 15 km d’archives en plus chaque année et, comme la loi le prévoit, on en détruit aussi des km par an qui libèrent des espaces. En dix ans, il n’y a pas eu un incident sur les 144 000 m2 de stockage que nous gérons sur toute la Belgique. On a construit de nouveaux bâtiments. Nous avons déjà dû faire plus de 20 % d’efforts. Nous n’avons plus aucune marge pour investir. Je sens la nervosité, mais prenons le temps d’objectiver, de discuter."