Davignon sur les économies dans la culture : "On n’est pas mort mais c’est pas la joie"
Les présidents des conseils d’administration de Bozar et de la Monnaie, Etienne Davignon et Philippe Delusinne ont réagi ensemble, jeudi, aux économies qui leur sont demandées par le gouvernement. Ils l’ont fait sans les directeurs "artistiques", Paul Dujardin et Peter de Caluwe, pour bien indiquer qu’ils ne parlaient que de budget.
Publié le 14-11-2014 à 10h58 - Mis à jour le 14-11-2014 à 15h17
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Les présidents des conseils d’administration de Bozar et de la Monnaie, Etienne Davignon et Philippe Delusinne ont réagi ensemble, jeudi, aux économies qui leur sont demandées par le gouvernement. Ils l’ont fait sans les directeurs "artistiques", Paul Dujardin et Peter de Caluwe, pour bien indiquer qu’ils ne parlaient que de budget et que le rayonnement culturel international de leurs institutions n’est jamais mis en cause même s’il pourrait bien subir l’impact des économies annoncées.
"L’annonce initiale et les commentaires dénigrants sur la gestion de la culture, étaient profondément choquants et injustes pour nos équipes, explique Etienne Davignon. Didier Reynders a pu obtenir l’exception culturelle et diminuer l’effort de 50 %. Ce n’est pas la joie pour autant. Mais au moins, on n’est pas mort."
Choqués
Les deux présidents furent choqués aussi d’entendre que "mal gérées", elles devraient faire plus d’effort vers le privé, et vers les régions et communautés. "Il faut arrêter de rigoler", poursuit Davignon. Et les deux présidents de détailler les efforts qu’ils font déjà depuis des années. "Nous sommes bien conscients depuis longtemps qu’il faut justifier chaque centime." Bozar a déjà fait 1,5 million d’économies pour 2013-2014, sur une dotation de 13 millions d’euros. Celle-ci ne couvre que les frais généraux. Toute la partie artistique est payée par les recettes de location des salles, 5 millions d’euros annuels de mécénat et la vente des billets ( "pourtant bon marché volontairement à Bozar , explique Davignon. Si je compare les prix du concert de Cecilia Bartoli, un Parisien aurait pu l’écouter à moindre prix chez nous même en y incluant le prix du Thalys !" ).
Philippe Delusinne ne dit pas autre chose et défend avec force Peter de Caluwe, "gestionnaire avisé, raisonnable, en plus d’être un brillant directeur". Il rappelle que la Monnaie a dû résorber totalement un déficit historique et qu’elle a subi en plus, des coupes déjà chaque année dans son budget.
Les économies qui restent à faire sont plus raisonnables, mais elles auront un impact concret et aucun des deux présidents n’exclut un impact négatif sur la programmation, dès 2015.
Les investissements indispensables sont aussi dans l’incertitude : continuer la rénovation de la salle de la Monnaie, acquérir un bâtiment pour Bozar pour éviter des locations de bureaux, etc. Les deux CA sont prêts à continuer la discussion constructive avec leur ministre. Davignon rappelle que Bozar rend à l’Etat sous forme d’impôts et précomptes, 8,36 millions d’euros sur les 13 reçus. Il donne des pistes d’économies futures : réduire le coût des assurances pour les œuvres exposées en demandant à l’Etat et entités fédérées d’être leur propre assureur quand ils prêtent des œuvres. Bozar et Monnaie ensemble étudient des économies d’échelle possible en prenant le même software de ticketing, unifiant les back offices, prenant de mêmes sous-traitants (nettoyage des locaux par exemple). Pas de fusion ONB-Monnaie, mais éventuellement des rapprochements à décider par "ceux qui sont aux manettes".
Renouveler les conseils
Croire qu’on peut faire davantage vers le privé c’est oublier les efforts déjà faits. Mais Bozar veut créer une filiale pour mieux attirer les dons. Les accords avec les Communautés ne sont pas non plus une piste neuve. Si Delusinne ne voit pas comment faire une synergie avec les opéras d’Anvers ou Liège, Davignon rappelle que la Communauté flamande participe déjà pour 1 million annuel à des programmes artistiques à Bozar et la Communauté française pour 0,5 million. Reynders renouvellera les CA des deux institutions. "Il était temps, rappelle Davignon, car je suis un président usurpateur depuis 4,5 ans. Comme le gouvernement n’a rien décidé plaçant ces nominations dans un grand ensemble, j’ai continué à exercer. Je reste candidat à poursuivre le travail, mais rassurez-vous, j’arrêterai avant d’avoir 100 ans." Il souligne qu’il est normal qu’en application du Pacte culturel, des administrateurs N-VA entent à Bozar et la Monnaie.
Un audit sera fait des musées, bibliothèque, etc.
Les ESF (établissements scientifiques fédéraux). Une grande inconnue demeure sur les économies qui seront exigées des ESF (musées, Bibliothèque royale, etc.). On a d’abord annoncé des mesures linéaires, comme à Bozar et à la Monnaie, mais parfois pires encore (on chiffre l’effort initialement demandé aux dix ESF à 8 à 9 millions d’euros). Puis, comme Reynders obtenait une "exception culturelle", la secrétaire d’Etat à la politique scientifique, Elke Sleurs (N-VA), a obtenu la même exception. Les détails n’ont pas filtré. Il semble qu’elle obtienne le même montant de 2,4 millions d’euros que Reynders, soit 25 % de réduction de l’effort total demandé (mais où doit-elle compenser ?), à charge pour elle de répartir au cas par cas, comme elle le veut, cette diminution de l’effort entre les dix ESF.
Note. Elke Sleurs présente ce vendredi sa "déclaration politique" à la Chambre. Elle y annonce un "audit en profondeur des subsides actuels ". Elle rappelle la volonté du gouvernement de donner une large autonomie à chaque ESF, y compris "avec les organes de gestion nécessaires" . Elle veut y favoriser l’implication du privé et des entités fédérées. Le service commun Belspo sera bien largement démantelé, le personnel pourrait en partie rejoindre les ESF et on pourrait nommer dans chacun d’entre eux un "change manager". Elle parle de revoir la clé de répartition des dotations entre les ESF en fonction de cinq critères dont la mission sociale, l’impact grand public, l’importance du patrimoine, le souci de "fournir des services aux autres secteurs du pouvoir fédéral" et leur volonté de collaborer avec "des acteurs des Régions et des Communautés" .