Les musées en "Pôle" position
L’année 2016 sera rude pour les musées et théâtres. Les synergies sont difficiles. Analyse.
- Publié le 11-01-2016 à 21h00
- Mis à jour le 12-01-2016 à 07h20
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Vendredi, en présentant ses vœux 2016, le bourgmestre de Mons, Elio Di Rupo, ne cachait pas les lourds problèmes budgétaires de l’après Mons 2015 pour toutes les institutions montoises : "La situation sera très difficile, c’est là qu’on verra la valeur des hommes et des femmes." S’il espère recevoir encore une aide spéciale pour gérer l’après Mons 2015, les autres villes ne l’entendent pas comme ça et ne veulent plus de traitement privilégié pour Mons.
Yves Vasseur, le commissaire général de Mons 2015 nous disait : "Personne n’ose le dire, mais les budgets culturels vont droit dans le mur en Fédération Wallonie-Bruxelles. La situation est délétère. Certains touchent déjà le fond. Dans 5 ans, des musées auront des gardiens jouant aux cartes dans des salles vides. Est-ce alors sage de garder 300 centres culturels en Wallonie et six proches en Mons-Borinage ? Il faut oser parler sans tabous et proposer des solutions innovantes."
Tax shelter
2016 sera pour la ministre de la Culture, Joëlle Milquet, une année très délicate. En scènes, elle doit finaliser les contrats-programmes de tous les théâtres et nommer de nouveaux directeurs pour les institutions phares dans leur secteur (Théâtre national et Charleroi/Danses). Le fédéral vient de décider l’extension du tax shelter au secteur de la scène, mais ce ne sera qu’une aide partielle, et pour certains seulement. Et il faudra faire des choix douloureux.
Pour les musées, secteur pauvre des budgets, la situation est encore plus difficile et ils n’ont pas droit à l’extension du tax shelter. Ils chassent déjà depuis longtemps les éventuels sponsors privés, peu d’espoir de ce côté. Or, il faut refinancer les musées. A force de gels des budgets ou de baisses de 1 %, les budgets des musées vont de plus en plus au seul fonctionnement et la part artistique risque de disparaître un jour.
Irresponsable
Les nouveaux musées sont dans l’inquiétude : le musée Keramis de La Louvière, décidé par la Communauté française, n’a quasi aucun budget pour faire des expos. Ses subsides devraient impérativement passer de 200 000 à 400 000 euros par an. Le nouveau BPS 22 de Charleroi a aussi son avenir budgétaire incertain. Pierre-Olivier Rollin demande sa reconnaissance comme "musée" et une subvention annuelle passant de 165 000 à 500 000 euros.
"Il faudrait soit que la FWB sorte davantage d’argent pour les arts plastiques, dit-il, mais on sait que la situation budgétaire restera très difficile, soit qu’elle procède à un rééquilibrage des moyens disponibles. Charleroi a très peu bénéficié jusqu’ici d’aides culturelles. Surtout si on compare par exemple à La Louvière qui a sur son territoire six institutions muséales. Ce fut une politique irresponsable de construire tant d’institutions si les politiques n’ont pas les moyens d’en assurer le fonctionnement."
Rationaliser
Paul Magnette, président du gouvernement wallon et bourgmestre de Charleroi, veut remettre à plat ces budgets, en faveur de Charleroi, et a centralisé les demandes carolos dans le contexte de l’après Mons 2015.
Une autre piste est explorée par Joëlle Milquet : rationaliser en créant par ville, des "pôles" muséaux comme on l’a fait dans l’enseignement supérieur. A l’exemple de Mons qui a son pôle muséal regroupant tous ses musées et permettant des synergies en services d’appoint et de communication. Mais ce n’est pas la panacée. Mons a pu le faire car les musées ont tous le même pouvoir organisateur (la ville) et on est parti de zéro pour bâtir ce pôle. On y pense pour des villes riches en musées (La Louvière, Liège, Tournai, Charleroi), des réunions sont parfois prévues, mais la situation est très différente de Mons : les statuts des musées sont très variés comme les projets culturels. L’avantage risque d’être marginal et le risque grand d’obstacles administratifs et de découragements des équipes : qu’en sera-t-il de l’identification du personnel au projet de son musée "noyé" dans un pôle ? Les "bons" musées ne devront-ils pas, via les pôles, payer pour les autres ?
Si on ne peut pas tous les payer, faut-il alors arrêter certains musées ? Le PS, bien conscient de ces défis, n’a-t-il pas choisi de confier cette fois au CDH et à Joëlle Milquet, les choix les plus douloureux ?