Avancée décisive dans le dossier des œuvres pillées par la France

Elke Sleurs lance deux études de fond, sur deux ans, en vue du rapatriement.

Guy Duplat
Avancée décisive dans le dossier des œuvres pillées par la France
©Photo News

La saga dure depuis vingt ans. En Communauté française comme en Flandre, tous les ministres de la Culture ont été confrontés à des demandes de faire pression sur la France pour qu’elle rende des chefs-d’œuvre qu’elle nous avait pris, surtout dans nos églises, sous la Révolution française. On se souvient par exemple du combat mené par Richard Miller (MR) pour que le musée de Nantes restitue à la cathédrale de Tournai un magnifique et énorme Rubens pris sous l’occupation française. Une motion réclamant la restitution fut même votée au Parlement francophone mais en vain, la France refusant toute négociation.

En 1883, un rapport de Charles Piot recensait 271 œuvres d’art "volées" à la Belgique. Un tiers est revenu, un tiers à disparu, mais un tiers - soit plus de 90 œuvres - se trouve toujours en France. Des exemples : le musée de Lille a une crucifixion de Van Dijk prise dans une église belge. Deux tableaux de Rubens et Jordaens qui se trouvaient à l’hospice des incurables à Liège sont aujourd’hui aux musées de Marseille et Lyon. Une Marie-Madeleine en extase de l’église des Récollets de Gand est elle aussi en France. Toutes ces œuvres ont été prises quand la Belgique d’alors avait été annexée par la France révolutionnaire qui voulait créer un grand musée populaire au Louvre, avant que Napoléon ne crée des musées régionaux, y compris notre musée des Beaux-Arts.

Obstacles

A chaque évocation d’un dossier, on se heurte à de nombreux obstacles juridiques et politiques. Le dossier est explosif et une "solution" pourrait faire jurisprudence partout car les musées européens sont souvent riches de bien acquis ainsi.

Elke Sleurs (secrétaire d’Etat à la politique scientifique, N-VA) a annoncé jeudi soir à la VRT qu’elle lançait, en coopération avec les Communautés, deux études de deux ans pour un budget total de 117 625 euros. Le tout devant se terminer fin 2017 par une publication en ligne (via l’Irpa) des expositions et une médiatisation du dossier. La première étude d’histoire de l’art analysera chaque œuvre "volée" : où est-elle ? Quelle est son histoire ? Sa valeur historique ? La seconde étude portera sur le contexte juridique et historique afin de déterminer si une plainte peut être ou non envisagée.

Eviter un clash diplomatique

En échange de ces deux études qui se veulent purement scientifiques et qui prendront le problème à bras-le-corps, Elke Sleurs demande que chacun s’abstienne dans les deux ans à venir de réclamer encore ces œuvres à la France, afin de ne pas braquer nos voisins pendant cette phase où leur aide sera utile. Ensuite dit-elle, on avisera. S’il n’y a pas de fondements juridiques, il n’y aura pas de réclamations. S’il y a un fondement, on jugera si des plaintes sont souhaitables. Et si plaintes il devait y avoir, elles peuvent être partielles ou modulées si on veut éviter un "clash" diplomatique. On pourrait dans un premier temps obtenir qu’à chaque œuvre "volée" soit ajoutée une explication au public. Rappelons que les conventions Unesco interdisant les vols d’œuvre d’art dans les pays en guerre n’ont pas de portée rétroactive.

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