Bienvenue dans le jardin sauvage de Marie et Benoît
Publié le 15-09-2017 à 07h05 - Mis à jour le 15-09-2017 à 07h09
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Ce week-end se tiennent les 29es Journées du patrimoine à Bruxelles. A l’honneur ? La "Nature en ville", avec ses parcs, jardins, pergolas,… Quelque 116 lieux sont à (re)découvrir, comme le Domaine Allard à Uccle.
"Geoffrey, tu ne dois plus raccourcir l’herbe dans cette zone ! C’est le minimum, minimum !", s’adresse gentiment Benoît Dallemagne au jardinier qui vient de couper le moteur de sa tondeuse. Patron d’une société dans l’événementiel, Benoît a eu il y a 20 ans un vrai "coup de cœur" pour ce jardin "fabuleux" lorsqu’il a acquis, avec son épouse Marie, le Domaine Allard, une propriété de 75 ares au cœur de la commune d’Uccle, dotée d’un joli bâtiment industriel, d’une demeure de la fin du XIXe de 1 000 m2 et d’un immense jardin. Un écrin de verdure et d’architecture dont le passant ne peut guère soupçonner la richesse et la beauté tant qu’il n’a pas poussé la grille du 88 rue Victor Allard. Ce lieu, comme une centaine d’autres, ouvrira exceptionnellement ses portes au public ce week-end à l’occasion des Journées du patrimoine à Bruxelles, dédiées à la "Nature en ville".
"La Berce de Sibérie, la plus belle du monde !"
Quelques vieilles feuilles ramassées au creux des mains, Benoît confie : "Soyons clairs, jardiner, je n’aime pas. Je suis un grand fainéant mais surtout, j’ai très peu de temps pour entretenir un tel jardin. Donc, je travaille au coup d’œil". "Vous voyez, là, pointe-t-il du doigt, maintenant, esthétiquement, il y a une tache. Je laisse volontairement des zones d’herbes plus hautes, mais il a fait tellement sec cette année."
En cette fin de matinée, le soleil étire timidement ses derniers rayons d’été dans un ciel chagriné, rehaussant de petites touches de lumière les reflets de l’étang creusé en contrebas du jardin - "l’eau y est parfaitement claire, fait remarquer fièrement Benoît. D’avril à octobre, j’y nage régulièrement le matin" - et l’infinie palette des verts de la pelouse, du lierre, du houx, du tilleul…
Egalement sculpteur, Benoît aime plus que tout voir son jardin changer au gré des saisons, laissant la nature, maîtresse des lieux, façonner chaque recoin : ici des orties, là des myosotis et géraniums, là encore une Berce de Sibérie. Sa stratégie pour tout de même y mettre un peu d’ordre ? "Je fais gagner la guerre aux espèces que j’aime bien. J’essaie de n’avoir que des plantes indigènes. Je tiens également à ce que mon jardin soit aussi beau en hiver qu’été, donc j’ai énormément de lierre. Je laisse aussi des îlots : c’est autant de temps gagné et esthétiquement, c’est sympa. Ici, j’ai une Berce de Sibérie - certains vont me dire : ‘Ah, vous êtes fou !’ (NdlR : elle peut causer de graves brûlures en cas de contact avec la peau) -, mais je la surveille. C’est la plus belle plante du monde ! En Belgique, nous n’avons pas beaucoup de plantes qui font 2,5 m aussi spectaculaires et qui ne demandent pas d’entretien."
La biodiversité avant tout
Si le jardin des Dallemagne s’ouvre sur un parterre à la française "architecturalement plus travaillé - l’esprit est de démarrer sur une partie un peu plus domestiquée et plus on avance, plus le jardin devient sauvage -, je m’attends à ce que des gens disent que c’est un parterre ‘cracra’, s’exclame en riant Benoît, parce que j’ai des myosotis et des renoncules au beau milieu de mes roses et eupatoires chanvrines. On ne voit plus du tout la terre, mais au moins, ces ‘mauvaises herbes’ maintiennent l’humidité".
Et, vous l’aurez compris, pas question pour Benoît et Marie de recourir au moindre pesticide. "Pour moi, ce qui importe, c’est la biodiversité, insiste Benoît, qui est aussi fermier à mi-temps. Utiliser des produits, ça n’a aucun sens. Regardez, oui, mes roses ont des pucerons, mais comme toutes mes roses en auront. Et il y en aura même chez ceux qui utilisent des produits. La différence, c’est que chez moi, cela ne fera aucun dégât : les pucerons vont disparaître naturellement car j’ai plein de coccinelles et de prédateurs. Il y a un équilibre qui se crée".
Thym et consoude
Son côté "main verte", Benoît l’a hérité de sa grand-mère. "Elle était tout sauf écolo, mais c’était une autre époque. Par contre, elle adorait la nature. Le matin, elle venait nous réveiller pour aller chercher des champignons, des plantes,…" Rien d’étonnant donc à que Benoît nourrisse sa passion jusque dans l’assiette. "Fan" de plantes aromatiques, il en a un peu partout dans son jardin. "Je mange et cuisine les herbes du jardin : les orties, pour une soupe; la consoude est délicieuse sautée avec du jaune d’œuf et l’oseille est parfaite dans une omelette" tandis que thym citronné, roquette sauvage et cresson terrestre relèveront délicatement une salade.
Un petit bout de campagne en ville
A deux pas de la très animée chaussée d’Alsemberg, c’est donc un petit bout de campagne qui attend ce week-end les visiteurs, avec ses sauterelles dans les herbes hautes, ses abeilles dans les acacias, ses papillons, ses libellules au bord de l’étang, ses canards, son héron,… Mais aussi son gros champignon sous lequel s’abriter, sa gloriette, sa mare et son petit passage secret par lequel on s’enfonce tel un aventurier à l’arrière du jardin. "Nous avons beaucoup de chance, se réjouit Marie. Bruxelles compte de nombreux espaces verts. Je pense que c’est assez unique pour une capitale."
Domaine Allard, 88 rue Victor Allard à 1180 Uccle. Infos : 02.370.61.10 - http://domaineallard.be
4 lieux à voir
La Ferme Nos Pilifs. Située à proximité de l’hôpital militaire de Neder-Over-Heembeek, Nos Pilifs s’étend sur 5 ha de bois, prairies, enclos, mares et sentiers. Elle emploie des personnes porteuses d’un handicap qui prennent soin des chèvres, des poneys, des lapins, etc.
Le Royal Etrier belge. Construit entre 1929 et 1930, le Royal Etrier belge est l’un des rares manèges couverts, à deux pas du Bois de la Cambre et de la Forêt de Soignes.
La Maison de la Francité. Classé en 1993 et entièrement restauré entre 2008 et 2012, ce bâtiment était à l’origine de style néo-classique. Il fut ensuite redécoré dans un style éclectique teinté d’Art nouveau. Plusieurs éléments architecturaux font écho à la nature (mosaïques représentant des bouquets de lys, papier peint en relief de type "japonisant", composé de feuilles et fleurs dorées,…).
Le 216 de la rue du Trône. Erigé en 1868, cet immeuble est typique du style néo-classique à Bruxelles. Ici aussi, la décoration fait magnifiquement la part belle au monde végétal, avec la façade ornée de guirlandes feuillagées ou, à l’intérieur, une verrière donnant accès à un jardin d’hiver en demi-lune.
3 Questions à Brigitte Vander Brugghen
Coordinatrice des Journées du patrimoine à la Direction des monuments et sites de Bruxelles
1 - Ce week-end est organisée la 29e édition des Journées du patrimoine à Bruxelles. Pourriez-vous rappeler le but dans lequel cet événement a été créé ?
L’idée d’une Journée du patrimoine s’est exprimée pour la première fois à Grenade en 1985. C’était dans une résolution européenne qui voulait organiser une journée entièrement consacrée au patrimoine culturel immobilier dans tous les pays européens. La France a commencé en 1984, puis les Pays-Bas et le Luxembourg ont enchaîné. En Belgique, nous avons commencé en 1989. L’idée est de rapprocher les habitants du patrimoine de leur ville, leur pays, de les sensibiliser et leur permettre d’entrer gratuitement dans des lieux inaccessibles ou difficilement accessibles habituellement. Aujourd’hui, les Journées du patrimoine sont organisées dans 40 pays en Europe.
2 - Cette année, le thème est la "nature en ville". Combien de lieux seront ouverts au public ?
Bruxelles est très verte, tant par ses parcs et jardins que par la nature représentée dans l’architecture. Prenez les sgraffites : ce sont des représentations de la nature sur les façades. Quelques bâtiments ont, à l’intérieur, dans leur stuc des motifs floraux. On est aussi encore très surpris de voir les traces de patrimoine rural qui restent à Bruxelles : il y a encore beaucoup de fermes, de moulins, de châteaux… Cette année, il y a 116 lieux à visiter ainsi que plus d’une centaine d’activités organisées (expos, circuits en bateau, visites guidées en langue des signes…)
3 - En outre, comme de nombreuses années déjà, la Journée sans voiture coïncide avec les Journées du patrimoine…
Oui, pas mal de promenades à vélo sont organisées cette année et si le public n’arrive pas à se déplacer facilement, il peut rester dans son quartier et découvrir le patrimoine aux alentours.
Repères
Combien ? A l’occasion des Journées du patrimoine à Bruxelles, ces 16 et 17 septembre, 116 lieux (parcs; jardins, privés ou publics; squares; cités-jardins; édifices mêlant architecture et nature,…) sont à découvrir gratuitement. Plus d’une centaine d’activités (promenades, expos, ateliers,…) complètent le programme.
Infos ? www.journeesdupatrimoine.brussels
Mais encore… Ouvert au public ce week-end pour faire découvrir son magnifique jardin (lire ci-dessous), le Domaine Allard vaut également le détour pour visiter la magnifique demeure du XIXe siècle qu’il abrite.