Crise sanitaire : des mesures pour sauver la Culture
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Publié le 04-04-2020 à 09h03 - Mis à jour le 24-04-2020 à 21h01
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Souplesse, soutien et défense des droits figurent en tête des mesures défendues par la ministre. Bénédicte Linard recense les questions et affine les réponses. La complémentarité avec le fédéral et les Régions sera essentielle.
Mardi prochain, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles doit se réunir pour arrêter le premier paquet de mesures de soutien au secteur culturel. Les négociations se poursuivent en outre avec le fédéral en vue de coordonner l’aide publique à la Culture.
"La crise sanitaire que nous traversons nous montre combien la société est fragile dans son ensemble, et le monde culturel en particulier", relève la ministre de la Culture Bénédicte Linard (Écolo). "Le confinement, les annulations pèsent sur les institutions, les structures, les opérateurs, mais aggravent singulièrement la situation des artistes, des techniciens, des intermittents."
Depuis le 14 mars, diverses initiatives sont prises. La concertation est permanente, avance celle qui, à la distanciation sociale, préfère le terme de distanciation physique. "Nous avons rencontré, et continuons de le faire, les différents secteurs concernés. Les besoins de tous changent à mesure que la situation évolue. J’ai voulu adopter une logique transversale, comme l’est la solidarité que l’on constate dans le monde culturel et de l’extérieur avec lui."
La ministre structure en quatre volets les mesures d’aide à la Culture, "autour, globalement, de la souplesse, de la facilitation, de la défense des droits, du soutien".
1. Maintien des subventions
Dans le premier volet se retrouve un ensemble de dispositions déjà adoptées par la Fédération Wallonie-Bruxelles, y compris le fonds d’urgence de 50 millions d’euros destiné à "apporter une aide directe aux secteurs touchés par les mesures de confinement (Culture, Petite Enfance, Sport, Jeunesse, Enseignement, Hôpitaux universitaires…)", détaillait le communiqué de la FWB.
Est déjà acquis, pointe Mme Linard, "le maintien des subventions pour les opérateurs (ce, même si certains termes de leur contrat-programme ou de leur convention ne peuvent, en raison de la crise, être remplis), ainsi que pour les tournées Art&Vie et Spectacle à l’école, même en cas de représentations annulées". Ce premier volet inclut aussi "le régime de prêts d’urgence via le fonds d’investissement St’art, ou encore l’adaptation des opérations Cinéastes et Auteurs en classe virtuelle".
En parallèle, la FWB continue de travailler à l’assouplissement des normes. "Chaque jour amène son lot de questions, toutes ne sont pas résolues, mais nous travaillons sans relâche à trouver des solutions. Une Foire aux questions est d’ailleurs mise en place sur le portail www.culture.be."
2. Statut d’artiste
Le deuxième volet exposé par la ministre se déploie en concertation étroite avec le fédéral. "Notre rôle est là de porter la voix des artistes, créateurs, techniciens affectés par la crise. Nous sommes en dialogue renforcé avec la ministre de l’Emploi" (Nathalie Muylle, CD&V).
Au premier rang des demandes : "La neutralisation, a minima, de la période de crise pour l’obtention ou le maintien du statut d’artiste (lié au nombre de jours de travail sur une période donnée en fonction de l’âge) et pour la non-dégressivité des allocations de chômage pour les artistes." Sans cette disposition seraient mis à mal non seulement le travail mais la survie des artistes, pour qui le respect de ces conditions est déjà souvent un casse-tête en temps normal. À noter, ajoute Mme Linard, que "cette neutralisation doit idéalement aller au-delà de la période de distanciation compte tenu notamment des temps de répétition affectés, et du déconfinement progressif. On a une écoute très attentive du fédéral sur ces questions."
Les négociations avec le fédéral portent également sur "l’ouverture de l’accès au chômage pour force majeure aux personnes sous CDD de très courte durée, ce qui est fréquent chez les travailleurs du secteur culturel. Sans oublier le cas particulier - mais pas rare dans le monde de la culture - des contrats non signés avant la représentation."
3. Tax shelter
Le troisième volet concerne le tax shelter. Le fédéral a d’ores et déjà allongé de 6 mois la période de justification des dépenses. Une mesure nécessaire mais non suffisante, souligne la ministre, en écho aux craintes des théâtres et des compagnies. "Pour la saison 2020-21, il est à redouter que le tax shelter perde de son attrait pour les entreprises qui se concentreront d’abord sur leur survie économique. Certaines règles très spécifiques à ce système seraient à revoir. Les risques, suite à la crise du coronavirus, sont liés au fait qu’il sera pour les producteurs impossible de justifier un taux éligible minimal ; au fait aussi que les premières qui n’ont pas pu avoir lieu en raison du confine ment pourraient être considérées par le SPF Finances comme non achevées ; au fait encore que l’annulation de la première rendrait la convention caduque puisqu’il est admis que c’est la date de la première qui y est consignée. Avec pour astreinte un remboursement de 300 % de la somme en l’absence d’une attestation. Le fédéral doit apporter des réponses et de la souplesse vis-à-vis de cette situation, faute de quoi les opérateurs et compagnies - qui sont aussi concernées par le tax shelter - connaîtront de graves difficultés. A minima, il faut revoir les conditions en cas de crise spécifique. Et certainement aller plus loin que le seul prolongement du délai."
4. Rémunérations cadrées
Retour à la FWB pour le quatrième volet. "Le fil rouge des interventions auprès de toutes les compétences concernées : le soutien doit permettre la rémunération de ce que nous appelons les prestataires finaux, y compris les créateurs, auteurs, acteurs, techniciens. Pour les personnes en bout de chaîne, on avance et sur le périmètre et sur les balises de l’intervention. Le premier périmètre, ce sont les opérateurs culturels subissant une forte diminution de rentrées et recettes à cause des annulations. Cela vaut pour les arts vivants, les arts plastiques, les musées, la musique, le cinéma, les organisateurs de festivals et d’événements, mais aussi la chaîne du livre (auteurs, éditeurs, distributeurs, libraires)."
Reste à baliser le terrain pour mettre en place ces mécanismes destinés à combler les pertes de recettes entre le 14 mars et (jusqu’ici) le 19 avril. Si la perte doit évidemment résulter des mesures de lutte contre le Covid-19, "la rémunération des créateurs et prestataires - qu’il s’agisse de la conception, de l’exécution, de la réalisation - DOIT être honorée", insiste Bénédicte Linard.
Et les festivals, y compris à l’étranger ?
D’un côté la ministre assure avoir pris "les dispositions nécessaires - de l’ordre de l’aménagement des différents moments - pour que les Rencontres théâtre jeune public de Huy soient maintenues", de l’autre on a appris notamment l’annulation du Fringe d’Edimbourg, où les artistes de la FWB bénéficient d’une importante vitrine depuis quelques années. Quant à Avignon où s’impliquent les créateurs de la FWB à plusieurs niveaux, et en particulier au Théâtre des Doms, les festivals In et Off n’ont encore rien annoncé. "On s’attaque aux questions dans l’ordre où elles arrivent. Et on n’en est pas encore là…"
Bénédicte Linard se répète à l’écoute assidue du secteur, via les fédérations professionnelles - des interlocuteurs précieux en ce qu’elles ont une vue à la fois profonde et globale - mais aussi les opérateurs et les individus. "Les données arrivent peu à peu. Vu les circonstances, elles ne peuvent être définitives. On travaille dans l’urgence, dans l’inédit. Dans la concertation aussi. On attend des réponses du fédéral, qui devra prendre sa part, comme la FWB prendra la sienne. Il faut envisager les choses dans la complémentarité." Même si le contexte ne permet pas à ce jour une vue globale des problèmes et des solutions. "Nous devons, à mesure que la situation se clarifie, affiner nos réponses."