"Bruxelles manque d’un lieu de formation des jeunes danseurs de haut niveau"
Le Conservatoire veut être soutenu en tant qu’école de formation professionnelle.
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- Publié le 28-03-2022 à 13h16
- Mis à jour le 28-03-2022 à 13h17
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Voici plus de huit ans que le Conservatoire de la danse de Bruxelles a rouvert ses portes au 49 rue de la Fourche. Une renaissance pour ce lieu indissociable des années fastes de la danse en Belgique. C'est à cette adresse, en effet, que vécut pendant plus de vingt ans le danseur et chorégraphe Maurice Béjart. Alors directeur du Ballet du XXe siècle, il utilisait les studios de danse du Conservatoire (installés, depuis 1963, au rez-de-chaussée et au premier étage de la rue de la Fourche) pour travailler et répéter ses chorégraphies avec sa compagnie. Mais son départ, en 1987, pour Lausanne précipita le déclin du Conservatoire, qui, faute d'élèves (ils n'avaient plus la troupe de Béjart comme débouché principal), baissa le rideau à la fin des années 90.
Il faudra attendre plus de vingt ans (2013) pour à nouveau entendre le souffle de danseurs valsant, sautant, pirouettant… sur les parquets du Conservatoire. Ce miracle, on le doit à la passion et à la ténacité de Jean-Paul Dimmers, ancien élève de l'école de danse Mudra (fondée par Maurice Béjart rue Bara à Anderlecht, de 1970 à 1988), et Menia Martinez, ancienne danseuse étoile de renommée internationale. "Au fil du temps, le Conservatoire a pris sa vitesse de croisière et s'est très bien développé, se félicite M. Dimmers. Nous avons eu jusqu'à près de 80 élèves qui suivent quotidiennement les cours dans le but d'essayer de devenir des danseurs professionnels."
Les Russes et Cubains
Admis sur audition, les élèves, âgés de 7 à 20 ans, suivent, après leurs journées d'école respectives, une formation exigeante : trois à neuf cours de danse - classique et contemporaine - par semaine, selon leur âge. Dispensé par des professeurs résidents (Menia Martinez, Benedicto Cieza, Inès Cera…) et invités (Arnaud Dreyfus, danseur à l'Opéra de Paris ; Yelena Pankova, danseuse étoile, chorégraphe et maître de ballet ; etc.), le programme de cours du Conservatoire vise à "former des danseurs professionnels et à leur donner le bagage pour pouvoir postuler dans des compagnies de ballet".
Depuis la réouverture du Conservatoire, plusieurs élèves âgés de 18, 19 ans ont achevé leur cycle complet de formation. "L'an dernier, quatre d'entre eux ont été pris dans des compagnies en Europe (Berlin, Barcelone, Londres)", annonce fièrement le directeur du Conservatoire. Mais, alors qu'il y a 40 ans "le Ballet du XXe siècle réunissait principalement des danseurs belges, français, allemands, anglais, suisses, espagnols…, aujourd'hui il y a une concurrence russe mais aussi cubaine de haut niveau qui inonde le marché et danse dans la plupart des compagnies européennes", observe-t-il. Donc, "si nous voulons être à un certain niveau par rapport à cette concurrence professionnelle, nous devons nous donner les moyens de pouvoir former nos danseurs".
"J’ai financé beaucoup de ma poche"
Or, pour l'heure, si le Conservatoire enseigne, au cœur de Bruxelles, la danse classique et contemporaine à des fins professionnelles, il reste une école privée à 100 %. Conséquence ? "J'ai financé beaucoup de ma poche : environ 50 000 euros depuis que le Conservatoire a rouvert, dévoile Jean-Paul Dimmers. Pendant la crise du Covid, l'école a été fermée plusieurs mois. Nous n'avons reçu aucun subside et n'avons bénéficié d'aucune diminution des charges du loyer." Il enchaîne : "On pourrait donc se demander pourquoi je fais cela, pourquoi je n'arrête pas tout. Je le fais pour nos jeunes (Bruxellois), pour que nos enfants ne doivent pas d'office s'expatrier ou renoncer à la carrière qu'ils auraient voulu entreprendre parce que nous n'avons pas été à la hauteur pour leur donner les moyens de réussir."
Rassurons-nous, la Belgique n'est pas totalement démunie. Il y a bien, en Flandre, l'École royale de ballet d'Anvers. Sur audition, elle forme des jeunes de 12 à 18 ans dans le cadre d'un enseignement secondaire combiné à un programme intensif de danse. Elle est aussi l'une des portes d'entrée de la prestigieuse compagnie du Ballet de Flandre. Ce modèle hybride se décline également en Wallonie, avec les Humanités chorégraphiques (Liège et Louvain-la-Neuve) et la Mosa Ballet School, qui accueillera ses premiers élèves dans la Cité ardente en septembre prochain. En revanche, aucune structure de ce type n'existe dans la capitale. "À Bruxelles, il manque un lieu de formation des jeunes danseurs bruxellois et wallons de haut niveau qui souhaitent embrasser une carrière professionnelle, martèle M. Dimmers. Pour le moment, le Conservatoire dépend de trois espaces que je loue (deux rue de la Fourche et un rue de la presse), mais, si l'un des propriétaires vend, mon château de cartes s'effondre."
Une reconnaissance politique
Fort de son expérience et de son expertise, le directeur général du Conservatoire plaide donc pour que son école puisse être reconnue à sa juste valeur par les instances politiques et, partant, être associée à un établissement d'enseignement obligatoire qui permettrait aux élèves du Conservatoire de suivre une scolarité reconnue par la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais dont la grille horaire serait adaptée à leur pratique journalière intense de la danse. "Depuis plus de huit ans, je m'occupe de la comptabilité, des horaires de cours, des stages ; je vais coller des affiches dans les boulangeries, les librairies… ; j'aide les élèves qui habitent loin du Conservatoire ou viennent de l'étranger à trouver un logement ; etc.", énonce Jean-Paul Dimmers, dévoué corps et âme à son école. Mais, "aujourd'hui, je ne peux plus porter cela tout seul à bout de bras", alerte-t-il, notamment à l'attention des responsables politiques. "J'ai besoin d'un soutien."
Plus d’infos sur les cours, stages et auditions au 0495.27.02.69 ou sur www.conservatoiredeladanse.com