Bénédicte Linard : "La culture de proximité, qu’on a redécouverte pendant la crise, a un rôle fondamental"
Quelle sera l'action de la ministre de la Culture en cette ère post-Covid pour épauler le secteur?
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Publié le 29-05-2022 à 08h28
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Après "l'urgence" de la crise sanitaire qui a frappé de plein fouet le secteur culturel et les dispositifs "inédits" (compensation des pertes de billetterie, aides aux opérateurs non subsidiés, mécanismes de garanties en cinéma et arts de la scène, appel à projets "Un futur pour la culture" , etc.) que la ministre de la Culture et son administration ont mis en place pour aider les opérateurs, artistes, techniciens… à traverser ces mois éprouvants, comment Bénédicte Linard (Écolo) entend-elle poursuivre son engagement aux côtés du secteur pour l'épauler et encourager les publics à (re) trouver le chemin des arts et de la culture dès lors que le baromètre corona est passé en code jaune depuis le 7 mars ?
Lever les barrières
"Mon ambition a été, et est toujours, qu'un maximum de culture aille vers un maximum de citoyens, martèle-t-elle. C'est la ligne qui guide les politiques culturelles qu'on est en train de mener. Et, je pense que c'est aussi une réponse par rapport à ce qu'on a vécu pendant la crise, c'est-à-dire atteindre plus de publics avec plus de culture." Et de défendre : "Bien sûr, la culture, ce sont des espaces de respiration, de réflexion…, mais elle joue aussi un rôle collectif, qui en fait un fondement de la démocratie. Par les liens qu'elle tisse, le partage qu'elle amène…, elle permet de repenser un modèle de société qui serait peut-être plus résilient, plus solidaire."
Mais, pour que la culture puisse toucher "un maximum de personnes", il faut, au préalable, "lever les barrières", assure Bénédicte Linard. Qui en identifie cinq : 1° symbolique : "la culture, ce n'est pas que l'opéra ou le théâtre, c'est aussi le street art, le stand up, l'histoire qu'on lit à son enfant le soir, etc." ; 2° financière (via des bas prix et/ou la gratuité dans les bibliothèques, les centres culturels ; la gratuité des musées le premier dimanche du mois…) ; 3° géographique ou "comment ancrer davantage encore la culture dans les territoires" (aides aux tiers-lieux, aides à la diffusion…) ; 4° de l'âge : "la culture est importante dès le plus jeune âge grâce à l'éveil culturel dans les crèches, le Parcours d'éducation culturelle et artistique (Peca) dans les écoles…" ; et, enfin, de la diversité et l'égalité : "tant que ce que l'on proposera en culture, en matière de consommateurs ou de participants, ne sera pas un miroir de la société, on exclura d'office une partie du public", estime la ministre.
Des aides à moyen et long termes
En cette ère post-Covid, Bénédicte Linard décline son action en deux temps. "Sur le moyen terme, il s'agit de mesures qu'on a déjà pensées pendant la crise , explique-t-elle, car, même si les confinements s'arrêtent, le (soutien au) redéploiement est indispensable parce que la crise va durer." Citons ainsi le 3e appel pour le soutien au secteur non subventionné ; les aides à la programmation ; les aides à la diffusion (programmes auteurs en classe, spectacles à l'école, art et vie, etc.) ; les aides à la ventilation ; l'opération J'peux pas , j'ai cinéma (qui sera relancée pour la 3e fois en septembre) (lire ci-contre) ; etc. Autant de mesures "qui participent à rencontrer des publics supplémentaires et à lever des barrières à la culture", se félicite Mme Linard.
Et sur le long terme ? "On s'inspire vraiment de ce qu'on a vécu dans la crise pour appuyer ce qui est essentiel, reprend-elle, c'est-à-dire comment faire en sorte, par les outils structurels de politique culturelle, d'ancrer encore plus la culture dans les territoires." Dans sa boîte à outils : le refinancement des opérateurs de proximités (centres culturels, bibliothèques, centres d'expression et de créativité) ; le décret Arts de la scène (récemment adopté en 2e lecture par le gouvernement) ; le décret diffusion (toujours en cours d'élaboration)…
Avec la crise du Covid, "il faut acter que la consommation culturelle et les habitudes de consommation ont évolué", relève la ministre. Ainsi, "on ne peut pas occulter la place de la consommation par streaming". Un groupe de travail planche, à ce titre, sur la manière de repenser la rencontre avec le public dans les cinémas. Néanmoins, "je reste persuadée que le cinéma est la première fenêtre pour nos productions cinématographiques et qu'il faut pouvoir maintenir et soutenir cette première fenêtre que ce soit via les cinémas, les festivals ou autres, affirme-t-elle. J'ajouterai qu'à la base, seuls les cinémas d'art et d'essai étaient soutenus, mais la crise nous a amenés à aider les cinémas de proximité et à envisager de continuer à les soutenir. Cette culture de proximité, que l'on a beaucoup redécouverte pendant la crise (cinémas et musées de quartier, librairies indépendantes, bibliothèques…, NdlR), me tient donc à cœur, car elle a un rôle fondamental en matière d'effectivité des droits culturels".
Si le monde culturel et les publics portent, aujourd'hui encore, les stigmates de la crise sanitaire, Bénédicte Linard est également bien consciente que, dans le contexte géopolitique actuel, "le pouvoir d'achat devient compliqué pour tout" . "Mais je continue à défendre l'idée que l'accès à la culture est un accès à toutes les formes de culture, insiste-t-elle. Donc, il faut aussi pouvoir multiplier les accès à la culture à très bas prix, même si on ne pourra pas faire en sorte que les Rolling Stones soient accessibles à tout le monde (le prix des places pour le concert prévu à Bruxelles le 11 juillet oscille entre 149 et 489 euros, NdlR) , car ce n'est pas le rôle de la Fédération Wallonie-Bruxelles".