Bruxelles, capitale culturelle en 2030? Voici les trois grands chantiers du projet, des manifestations déjà prévues cet été
Hadja Lahbib et Jan Goossens ont présenté leur premier rapport préparant la candidature de Bruxelles. Parmi les trois chantiers mis en avant, créer un imaginaire bruxellois collectif, un "nous".
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Publié le 24-06-2022 à 06h38 - Mis à jour le 24-06-2022 à 06h39
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Pour organiser une capitale culturelle européenne, 2030, c'est déjà demain. Les candidatures doivent être déposées pour 2024 quand un jury de six experts européens et six experts belges sera alors chargé de les étudier, la décision suivra, en passant si nécessaire par une short list.
Bruxelles a donc commencé tôt et vise cet honneur pour l'année 2030 qui sera aussi celle du bicentenaire de la Belgique. Jusqu'à présent, quatre villes belges ont eu ce privilège : Anvers en 1993, Bruxelles en 2000, Bruges en 2002 et Mons en 2015.
Mais elle n'est pas la seule candidate : Liège, Louvain, Gand, Ostende, Courtrai et Hasselt ont aussi annoncé vouloir postuler. Le duo Hadja Lahbib et Jan Goossens, nommé en février 2021 par le gouvernement bruxellois pour conduire le projet au moins jusqu'au dépôt officiel de la candidature, a déjà discuté avec des villes candidates. Il veut voir si le bicentenaire à Bruxelles peut aussi concerner toute la Belgique et même l'Europe puisque Bruxelles est aussi sa capitale.
Hadja Lahbib, figure de la RTBF, productrice et réalisatrice, et Jan Goossens, ancien directeur du KVS, du Festival de Marseille, en charge encore de la Biennale Dream City à Tunis, sont deux personnalités bien connues et bien au fait de la culture.
Ils sont épaulés par une "chambre de réflexion" représentative de Bruxelles avec Sigrid Bousset, Ibrahim Ouassari, David Van Reybrouck, Loredana Marchi, Olivier Alsteens, Joanna Maycock, Louma Salamé, François Schuiten, Eric Corijn, Séverine Provost, Bernard Foccroulle, David Murgia, Caroline Pauwels, Joachim Declerck, Anuna De Wever, Sammy Baloji, Fatima Zibouh, Marie Umuhoza, Nadia Hadad, Michel Steyaert et Karlien Vanhoonacker.
Jeudi, une nouvelle étape a été franchie avec la remise, au ministre-Président bruxellois Rudy Vervoort, d'un premier rapport. À cette occasion, nous avons rencontré le duo de chargés de mission dans son bureau provisoire à Etterbeek.
La jeunesse
"Nous avons en un an, expliquent-ils, tenu 450 réunions, séances d'informations et concertations pour définir les premières lignes d'un projet que l'on veut pérenne, forgé en cocréation avec les Bruxellois. On a beaucoup écouté, discuté. Notre projet de ville ira au-delà d'un simple feu d'artifice culturel ou d'un festival d'art. Il s'agira de créer une mobilisation des Bruxellois avec la culture comme moteur et comme levier. Il fallait embarquer un maximum de monde avec nous, prendre le temps d'écouter. On espère arriver au final à un projet fédérateur, porté par les gens et en particulier par les jeunes (car nous prêtons une attention toute particulière à la jeunesse). Ce sont eux qui seront la force vive en 2030. Bruxelles est la seule ville belge où la population rajeunit. On y compte 150 000 enfants et 250 000 jeunes, soit 400 000 Bruxellois en dessous de 30 ans, c 'est énorme. "
Hadja Lahbib et Jan Goossens ont identifié trois grands chantiers sur lesquels bâtir plus tard le dossier de candidature proprement dit et la future programmation culturelle.
En premier lieu, la " création d'un imaginaire collectif, d'un 'nous' bruxellois, déconstruire les frontières mentales. Avec la culture comme moteur qui puisse permettre de se projeter vers un horizon commun".
"Bruxelles est une ville fragmentée avec une richesse extraordinaire, mais qui reste en silos, ce sont des bulles qui ne parviennent pas à remonter à la surface, car elles demeurent enfermées dans leurs petits univers. On a dès lors une ville avec une image floue. Il faut garder peut-être cet aspect bigarré, car c'est une richesse, mais il faut l'assumer. Par rapport à 2000, la population a énormément changé, beaucoup ont émigré vers les faubourgs. Les réponses de 2000 ne peuvent plus être celles de 2030. Bruxelles est devenue la capitale la plus diverse d'Europe, là où les grandes transitions se manifestent : vivre avec la diversité, l'augmentation de la fragilité sociale, la décolonisation, vivre les transitions du monde, y compris climatiques - il y a en été une grande différence de température entre différents quartiers de Bruxelles. Bruxelles peut être un laboratoire pour l'Europe qui, elle-même, se cherche une identité."
L’Assemblée d’été
Le second chantier identifié par le duo est l'idée des espaces urbains. "Plutôt que d'investir dans de grands projets architecturaux - on aura déjà Kanal qui sera partenaire du projet -, on veut poser la question des espaces publics, des espaces d'avenir où les Bruxellois de la culture préparent déjà le monde de 2030, en expérimentant culturellement. On veut identifier ces espaces en devenir qu'on veut soutenir à l'avenir, des espaces de rencontres, créer de nouvelles synergies entre les forces vives existantes."
Le troisième chantier est celui de la participation, de la cocréation : "Comment mobiliser autour de cet avenir commun et de ces espaces d'avenir un maximum de Bruxellois et en particulier la jeunesse ?"
Pour soutenir cette participation, une première manifestation publique aura lieu du 4 au 8 juillet au centre culturel la Tour à plomb, rue de l'Abattoir 24 à Bruxelles. Le duo y organise avec de nombreux partenaires (les réseaux des arts, l'ULB-VUB, etc.), un "laboratoire citoyen", la Summer Assembly ou Assemblée d'été, soit une semaine d'échanges de savoirs et de conférences courtes sur les défis de Bruxelles. Hadja Lahbib et Jan Goossens n'y parleront pas. Ce sera une phase d'écoute et de débats.
Ouvert à tous, entrée gratuite, plusieurs centaines de gens sont annoncés. Sur le site Bruxelles2030.be, on peut découvrir un programme très dense d'interventions, de discussions et même de visites originales de la ville, comme une visite "féministe" autour des sorcières, ou celle d'un potager sur une toiture, avec aussi des moments festifs et musicaux. Tous ces débats seront ensuite documentés pour nourrir la suite de Bruxelles 2030.
L’été sera aux tests
Cet été aussi, Bruxelles 2030 a identifié et soutient déjà 13 événements qui "vont du haut de Forest au bas de Molenbeek" qu'il estime répondre au triple objectif qu'il se fixe dans ses chantiers et qui sont, disent Hadja Lahbib et Jan Goossens, "hyperaccessibles".
Parmi ceux-ci, il y a eu déjà fin mai Asmara-Addis, un festival des littératures en exil. Chaque fin de mois, il y a le marché Bildy à la Gare maritime dans le quartier de Tour&Taxis où tout ce qui est vendu ou échangé est local et participe au développement durable. Tout juillet et août, il y a le Park Poetik dans les rues et places de Forest et Saint-Gilles où des artistes exploreront l'imaginaire et la créativité à la rencontre des habitants. En juillet et août aussi, l'Atelier Léon invitera tout le monde, y compris les enfants, à s'exprimer par la danse. Le 18 septembre, une Guelssa ("s'asseoir ensemble") sera organisée devant l'AB au rythme de la musique Chaâbi. Le 3 septembre, l'artiste Sami Baloji fera le lien entre l'Art nouveau fêté à Bruxelles et les impacts de la colonisation belge, etc.
Pour la rentrée de septembre, Bruxelles 2030 sera partenaire de l'Urban Dance Caravan qui s'annonce comme une immense geste de danses urbaines qui traversera le centre-ville, de place en place, pour rejoindre le Théâtre national.
"Ce sera à l'été 2023 qu'on récoltera vraiment ce qui sortira de nos trois chantiers et qui nourrira alors la candidature finale."
De plus gros projets ne sont encore qu'esquissés comme l'idée éventuelle de faire de la Foire du livre de Bruxelles, une foire belgo-européenne concurrençant celle de Francfort ou de créer, à Bruxelles, un festival européen du théâtre, rassemblant pendant quelques jours le meilleur, le plus fascinant de ce qui se fait ailleurs.
"Les dimensions belge - au-delà de Bruxelles - et européenne de la candidature de Bruxelles 2030 sont importantes. On construira cette candidature avec une main ouverte à des villes partenaires en Belgique qu'elles soient candidates aussi au titre de capitale européenne de la culture ou non."
Le budget nécessaire n'est pas encore déterminé : "De 10 ou 20 millions à 80 millions. Il devra être négocié avec les différents niveaux de pouvoir."