Riton, tout un prénom...

Riton, le petit Riton serait-on tenté d'écrire malgré sa prochaine quarantaine. Ne croit-on pas le connaître depuis toujours? Faut-il rappeler qu'à 13 ans déjà, il jouait dans `Préparez vos mouchoirs´ de Bertrand Blier aux côtés de Gérard Depardieu, Carole Laure et Patrick Dewaere, un rôle qui l'a rendu relativement célèbre sans pourtant lui offrir le succès voulu auprès des filles?

LAURENCE BERTELS
Riton, tout un prénom...
©Johanna de Tessières

Riton, le petit Riton serait-on tenté d'écrire malgré sa prochaine quarantaine. Ne croit-on pas le connaître depuis toujours? Faut-il rappeler qu'à 13 ans déjà, il jouait dans `Préparez vos mouchoirs´ de Bertrand Blier aux côtés de Gérard Depardieu, Carole Laure et Patrick Dewaere, un rôle qui l'a rendu relativement célèbre sans pourtant lui offrir le succès voulu auprès des filles?

Mais pourquoi Riton?

`En réalité, je m'appelle Henri mais on m'a toujours appelé Riton. Depuis que je suis tout petit. Des fois, ça m'a fait chier. Quand je n'avais plus de proposition, je me disais que c'était à cause de ce surnom. J'avais envie d'avoir un vrai prénom, comme tout le monde. Puis, je m'y suis habitué.´

Il aura encore joué dans `Allons z'enfants´ de Yves Boisset, `L'été prochain´ de Nadine Trintignant, `La tête dans le sac´ de Gérard Lauzier et le revoici au Poche avec `Le sens du partage´ où il arrive tel un raté, avec sa parka ringarde, son sac de chez Lidl et son thermos au nom de Riton.

Sans doute serait-il heureux de découvrir ce monologue masculin avant l'artiste qui oscille toujours entre échecs et succès. `Ok, dit-il, mais si vous venez ce soir, vous n'aurez peut-être plus envie de me rencontrer´. La trouille est là, palpable, peur de déplaire, de ne pas être reconnu comme le Riton du `Sens du partage´, problèmes de luxe et groupe thérapeutique en fait, qui déprime chaque matin parce qu'il ne sera pas chez Ardisson, parce qu'il ne couchera pas avec Naomi Campbell ou encore parce qu'il y a très peu de chances qu'on l'invite au 20h00 afin de connaître sa position sur le conflit israélo-palestinien, lui qui se définit clairement, en digne fils de son père, Marcel Liebman, comme un Juif de gauche.

Son père, tous ceux qui sont passés par l'Université libre de Bruxelles, s'en souviennent. Ses cours de sciences politiques faisaient le plein de l'auditoire Paul-Emile Janson. Tous, sauf Riton qui, à l'époque, et selon ses dires, faisait le con à Paris, se shootait, sortait.

Lui,il a gardé le souvenir d'un père comme les autres, qui lui faisait faire le tour du lac du Bois de la Cambre, l'emmenait au foot, une de ses passions, ou lui écrivait des lettres dans lesquelles, non, il n'était pas question de Trostki.

Ce père n'aurait donc pas eu une personnalité écrasante. L'enfant du pays ucclo-ucclois réalise pourtant qu'il a très vite eu besoin de se faire remarquer. En se faisant par exemple renvoyer de Decroly. C'est tout dire...

`Il fallait que je chante, que je chahute, que je monte sur des voitures, que je fasse le con, que je m'enfuie de l'école pour qu'on me remarque. Un besoin vital que la drogue finalement a réussi à calmer.´

Réfléchi, Riton Liebman sait qu'il s'est pris quelques baffes, qu'il peut regarder la vérité de différentes façons, qu'il est en train de jouer au Théâtre de Poche une pièce qu'il a lui-même écrite mais, car il y a toujours un `mais´, que l'actualité est là, réjouissante et cruellement angoissante. Pendant que `le p'tit Belge´ monté à Paris revient au pays pour un `come back´ attendu par certains, il est un autre Belge, plébiscité à Cannes, Olivier Gourmet, qui reçoit un magnifique prix d'interprétation masculine, confirmant de la sorte l'envol du cinéma belge.

`Oui, j'ai l'impression que le train part sans moi. Je rate tous les trains, d'ailleurs. Déjà avec `Dirk le Rebelle´, je suis arrivé avant Poelvoorde et je me suis planté. Là, je me demande ce que je fous, à boire mon café. Je pourrais être à Cannes, y aller avec un scénario mais j'ai la trouille.. ´

La peur au ventre, voilà un autre sujet très présent dans `Le sens du partage´, une succession de lettres dont on pourrait croire qu'elles sont le pendant masculin des incroyables `Monologues du vagin´. Il ne s'agit là que d'une apparence.`Certains ont dit de mon spectacle qu'il était au ras des pâquerettes. Je ne suis pas d'accord. Ce que je dis est réellement profond. `Le sens du partage´ s'adresse plus aux hommes qu'aux femmes. La pièce suscite quelques polémiques. Il y en a qui sont réellement touchés. Il y en a même qui ont pleuré. Il en est d'autres enfin, qui n'aiment pas du tout. Je crois que mes lettres soulagent les hommes car je leur dis des choses qu'ils osent à peine penser mais qu'elles choquent les femmes qui ne peuvent pas s'identifier. Je viens d'aller voir `L'art d'aimer´ d'Ovide. Quel boulot! Un homme c'est con, ça va voir les prostituées, ça tourne en rond, c'est une `bite sur pattes´. Je suis faible et en même temps, il faut être fort pour parler de soi, comme ça, avec beaucoup d'honnêteté. Moi j'aime que les gens me parlent vraiment d'eux. Pourquoi la politique ne marche pas? Parce que les gens ne parlent jamais d'eux. Chacun devrait entrer en thérapie pour diriger le monde car on y apprend à être honnête.´

Vivant entre Paris et Bruxelles, il est le père d'un petit Félix - voilà un prénom plein d'espoir - dont il s'occupe parfois le jour même s'il monte sur scène le soir.À Paris, il voit peu de monde, n'appartient pas au cercle des acteurs belges, sort beaucoup moins depuis qu'il a arrêté de se droguer et aime écrire.

Dans `Soisson dans l'Aisne´, roman attendu, il raconte sa sortie de la drogue, après vingt ans de plongée, d'héroïne.

`J'ai arrêté d'une manière très efficace et très belle grâce à l'entraide de personnes anonymes. Ne pas me droguer pour moi aujourd'hui, c'est un plaisir plus qu'une souffrance.

Aujourd'hui, donc, le regard positif l'emporte parfois. Pourtant, l'artiste se dit encore très fou, très désespéré, très égocentrique, très insatisfait. D'où ce besoin de travailler chaque jour son humour, son autodérision,. Dans la douleur. Parfois.

© La Libre Belgique 2002


À 13 ans, Riton Liebman entame sa carrière avec Gérard Depardieu Patrick Dewaere et Carole Laure dans `Préparez vos mouchoirs´ de Bertrand Blier. Il avait obtenu le rôle par annonce et avait été retenu suite aux auditions. Malheureusement, ce premier succès n'a pas, d'emblée, fait tomber toutes les filles aux pieds de cet ado mal dans sa peau, un mal nécessaire à cet âge-là. Suivront `Allons z'enfants´ (Yves Boisset), `L'été prochain´ (Nadine Trintignant), `Rouge Baiser´ (Véra Belmont), `On ne meurt que deux fois´ (Jacques Deray). Au théâtre, citons `Néron´ au Trianon à Paris et `Le Colonel-Oiseau´ au Poche. Comme auteur, il écrit `Le Rebelle´ (1990), `Noël à Cavell´ et `Noël en short´ (2001). Le revoici avec `Le sens du partage´ que Roland Mahauden, un copain rencontré en boîte, a eu envie de monter au Théâtre de Poche (1), près de la patinoire où il vendait des glaces. Le roman autobiographique `Soisson dans l'Aisne´ est à paraître prochainement. Le sens du partage, au Théâtre de Poche, jusqu'au 8 juin. Rens.:02.649.17.27.

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