«La Walkyrie» au Châtelet: inaboutie

Depuis le 19 octobre, le Châtelet propose le «Ring» de Wagner - un des nombreux à figurer à l'affiche cet automne - mené en coproduction avec Zurich, où il fut déjà donné en 2001, et mis en scène par Robert Wilson. Après «L'or du Rhin», «La Walkyrie» fut donnée en première le 21.

MARTINE D.MERGEAY

ENVOYÉE SPÉCIALE À PARIS

Depuis le 19 octobre, le Châtelet propose le «Ring» de Wagner - un des nombreux à figurer à l'affiche cet automne - mené en coproduction avec Zurich, où il fut déjà donné en 2001, et mis en scène par Robert Wilson. Après «L'or du Rhin», «La Walkyrie» fut donnée en première le 21.

Robert Wilson a-t-il manqué de cohérence ou d'autorité? Autant le visuel de cette «Walkyrie» s'impose à chaque scène, autant les tableaux de lumière y sont plus éblouissants les uns que les autres - trop même, on en perd sa concentration... - et les costumes superbes, autant la fameuse gestuelle wilsonnienne ne produit pas ici son effet habituel. Non pas qu'elle soit déplacée en tant que telle - tout est convention dans l'opéra, pourquoi pas la gestuelle? Mais il apparaît clairement que certains chanteurs ne s'y sont pas pliés et même, dans certains cas, que Wilson a perdu le fil.

Les moments réussis sont là pour accuser les échecs. Exemple: alors que Peter Seiffert (un des meilleurs Siegmund du moment) est visiblement peu à l'aise dans le rituel wilsonnien, lui et Petra-Maria Schnitzer (Sieglinde) parviennent à susciter des moments magiques par le simple jeu des mains et des lumières, eau et caresse confondues. On frissonne...

A l'acte suivant, dans la scène opposant Fricka et Wotan, la mezzo japonaise Mihoko Fujimura, renversée en arrière, main en conque au-dessus du front, attire d'un coup de rein sa traîne de mante religieuse avant que les lumières s'inversent et la dessinent à contre- jour, auréolée de mauve et d'or... Rien que ces dix secondes valent qu'on croie à tout le reste. Mais, hélas, le reste ne les vaudra pas.

Comme si Wilson avait chaque fois abandonné son idée en cours de route, perdu la force symbolique de ses gestes, ou, autre hypothèse, manqué d'autorité vis-à-vis de ses chanteurs, ces derniers perdus dans des déplacements rendus plus hasardeux encore par l'escarpement du plateau ou par les brusques passages de la lumière à l'obscurité... Ce qui valut par exemple au public du Châtelet une «chevauchée» feutrée, hésitante et quasi invisible, tandis que la musique compensait par un redoublement de fracas les privations du regard; ou des mouvements entrepris dans un sens, puis dans l'autre, sans que l'on pût saisir s'il s'agissait d'une erreur d'aiguillage ou d'une volonté de la mise en scène.

Des voix et des acteurs

Côté distribution, Linda Watson - strictement engoncée dans son costume d'organdi noir - offre au rôle de Brünhilde une voix ronde, noble et lumineuse, manquant de mordant et parfois de volume, mais toujours guidée par un grand raffinement musical. Belle allure et jeu assuré pour le Wotan de Jukka Rasilainen, à défaut de voix et de puissance; il n'y aura donc dans le Walhalla que la Fricka de Fujimura - mezzo superbe, excellente projection et présence scénique intense - à convaincre sans discussion (dont acte...). Chez les Wälsung, Peter Seiffert, plutôt balaise, s'impose par sa puissance et sa plénitude vocale, tandis que l'élégante Petra-Maria Schnitzer, voix solide mais aigus raides, manque de peu la dimension sensible de Sieglinde. Et Stephen Milling serait une basse idéale pour le cruel Hunding si la justesse était plus précise. A la tête de l'Orchestre de Paris et suivant le livret pied à pied, Christoph Eschenbach mène une direction engagée, colorée, au dramatisme puissant... On regrettera pourtant la fluctuation des tempos, quelques accrocs gênants dans les interventions solistes et l'habituelle dérive consistant à jouer trop fort...

Au Théâtre du Châtelet, Place du Châtelet à 75001 Paris, jusqu'au 5 novembre. La suite du 26 janvier au 15 avril. Tél.: 00.33.1.40.28.28.40 - Webhttp://www.chatelet-theatre.com

© La Libre Belgique 2005

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