Rossini, en version française, paraît-il
Avant de signer en 1829, avec "Guillaume Tell", un chef-d’œuvre absolu qui allait marquer ses adieux à l’opéra, Gioacchino Rossini donna à l’Opéra de Paris, dont les attirantes propositions l’avaient convaincu de quitter la péninsule, deux versions retravaillées d’opéras italiens : "Maometto II" devint "Le siège de Corinthe", et "Mosè in Egitto" se transforma - il s’agit bien plus que d’une simple traduction - en "Moïse et Pharaon".
Publié le 25-08-2009 à 00h00
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Envoyé spécial à Salzbourg Avant de signer en 1829, avec "Guillaume Tell", un chef-d’œuvre absolu qui allait marquer ses adieux à l’opéra, Gioacchino Rossini donna à l’Opéra de Paris, dont les attirantes propositions l’avaient convaincu de quitter la péninsule, deux versions retravaillées d’opéras italiens : "Maometto II" devint "Le siège de Corinthe", et "Mosè in Egitto" se transforma - il s’agit bien plus que d’une simple traduction - en "Moïse et Pharaon".
Ricardo Muti tient l’histoire du héros helvète et ce passage de la mer Rouge comme les meilleurs Rossini. Il avait fait l’ouverture de la Scala avec le premier (une belle intégrale discographique publiée chez Philips en témoigne), et il a convaincu Jurgen Flimm de proposer le second cet été au public du festival de Salzbourg. Version parisienne donc, avec toutes les spécificités qu’elle suppose, notamment les ballets (exercice longtemps tenu indispensable pour tout ouvrage donné à l’Académie royale de musique devenue Opéra de Paris) et le livret en français de Luigi Balocchi et Etienne de Jouy. Et donc une prière où l’on chante "Des cieux où tu résides", et non "Dal tuo stellato soglio"
Mais la crise économique est passée par là (aussi) et le projet a failli capoter. On y a sacrifié la mise en scène initialement prévue (Pier Luigi Pizzi), Flimm l’intendant confiant à Flimm le metteur en scène (pour un cachet symbolique de 1 €) le soin de réaliser une production pas trop onéreuse sans sacrifier l’essentiel.
Muti est donc là dans la fosse, dirigeant avec plus de compétence que de passion et plus de raison que de fougue un Philharmonique de Vienne forcément somptueux, quoique audiblement moins à l’aise dans les fulgurances rossiniennes que dans le répertoire germanique de sa tradition. Côté scénique, le travail de Flimm n’est pas inintéressant dans sa caractérisation des personnages (surtout de la famille égyptienne, avec un Aménophis capricieux vivant mal son œdipe entre un Pharaon falot et une mère castratrice), mais ne va pas très loin dans tout ce qui touche aux dimensions politiques (gestion banale des masses chorales) ou symbolique (banalisation des phénomènes surnaturels) de l’œuvre. Et l’idée de donner l’intégrale des ballets sans la moindre chorégraphie et face à un rideau baissé sur lequel est projeté le texte de la bible (en allemand) contant par le menu les sept plaies d’Egypte est à ce point peu théâtrale qu’elle sent par trop la mesure d’économies.
Cela dit, même en acceptant de voir réduire ainsi "Moïse et Pharaon" à un drame bourgeois, le contexte budgétaire difficile ne justifie pas qu’un Festival aussi prestigieux que Salzbourg ait pu juger opportun de faire l’économie d’un coach pour le français des chanteurs. Déjà que la distribution réunie ici n’a rien d’exceptionnel (seuls émergent éventuellement l’Anaï de la Lettone Marina Rebeka et, éventuellement, l’Aménophis d’Eric Cutler, mais on reste un cran en dessous de ce qu’on entend à Pesaro), il est désolant de constater que, à l’une ou l’autre exception près (les précités, qui n’en sont pas pour autant toujours compréhensibles), la plupart des chanteurs s’exprime dans un sabir inintelligible dépourvu de tout rapport avec notre langue. Ce travers, déjà regretté dans le "Roméo et Juliette" de l’an dernier, serait-il un nouvel effet de la mondialisation ?
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