Un bijou de théâtre pour Liège

Le "Théâtre de Liège", ex-théâtre de la Place, est un des plus grands et plus beaux de Belgique. Dû à l’atelier Hebbelinck et de Wit. Il a été inauguré ce lundi et ouvrira au grand public le week-end prochain. Avec, à l’affiche, le "Roméo et Juliette" étonnant, bilingue, d’Yves Beaunesne.

Duplat Guy
Un bijou de théâtre pour Liège

Les spectateurs le vérifieront eux-mêmes lors du week-end d’ouverture du Théâtre de Liège (ex-Théâtre de la Place), ces 3,4,5 et 6 octobre. Le nouveau bâtiment, dessiné par Pierre Hebbelinck et Pierre de Wit, situé au cœur de la ville, à la place du 20 août, est certainement un des plus grands et plus beaux théâtres de Belgique. "Un des plus beaux d’Europe" osait-on même, lors de l’ouverture en grande pompe, ce lundi.

Il possède deux salles : une grande salle appelée "La grande main", de 557 places et une petite, de 145 places, surnommée "salle de l’œil vert". Au total, la surface est de 8200 mètres carrés, doublant celle de l’ancien bâtiment de l’Émulation dans lequel le théâtre est logé. Tous les services techniques et administratifs ont pu y être placés, ainsi que des salles de réception, un lieu d’exposition appelé "Salle des pieds légers", géré directement par le Mac’s, avec, à partir du 4 octobre une expo Angel Vergara qui sera suivie d’une expo Jordi Colomer, et en janvier, de Sylvie Blocher.

On découvre encore un espace pédagogique à l’entresol appelé "Salle des Forces vives", les loges confortables, etc.

Un bijou qu’il faudra maintenant faire fonctionner, malgré les vaches maigres. Le bâtiment actuel du Théâtre de la Place, destiné au départ à n’être que provisoire mais dans lequel le théâtre a (sur) vécu 30 ans, sera alors démoli.

Ce sont les architectes liégeois Pierre Hebbelinck et Pierre de Wit qui se sont chargés du projet. On leur doit déjà des éléments marquants du paysage architectural nouveau au sud du pays, comme le Mac’s au Grand Hornu, le théâtre Le Manège à Mons et le tout récent bâtiment de stockage des œuvres d’art de la fédération Wallonie-Bruxelles à Mons.

Salle de l’œil vert

Plusieurs éléments spectaculaires retiendront l’attention. D’abord la "Salle de la Grande Main". Ce nom est justifié par les gradins placés sur un incroyable porte-à-faux, comme s’ils étaient doucement déposés sur une main gigantesque face à la scène. Les architectes ont dû tenir compte de ce que la façade donnant sur la place, le promenoir, le grand escalier menant au premier étage et la salle de spectacles, sont classés. Pour cette dernière, ils ont donc imaginé ce gradin permettant une vision et une écoute optimales mais s’appuyant à peine sur le sol, comme flottant en l’air, sans jamais s’accrocher aux murs, laissant ceux-ci porter la mémoire du lieu. Soufflant.

Ces gradins sont couverts de bois lamellé de chêne, comme souvent dans ce théâtre qui privilégie trois matériaux : le bois, le béton et le verre.

Le Théâtre de Liège sera à la fois "dissimulé" derrière la façade ancienne, et volontairement visible et très contemporain.

La seconde salle appelée "Salle de l’œil vert" est à l’étage avec de grandes baies vitrées donnant directement sur la place du 20 août et le siège historique de l’université. Elle sert aussi de signal vers l’extérieur, montrant de nuit comme de jour, que le lieu est un théâtre vivant, dans un souci de transparence qui tranche avec les théâtres de jadis qui se cachaient de l’extérieur.

Dans la rue latérale, les nouveaux ateliers de couture sont placés à l’étage, en surplomb, dominant la rue. Tout le bâtiment est par nature, hybride et à la déambulation complexe, puisqu’il a fallu méler l’ancien et le contemporain et "jouer" avec un lieu donnant sur quatre rues et places, mariant harmonieusement le respect du passé et l’architecture contemporaine comme Pierre Hebbelinck le fit déjà au Mac’s.

"Le théâtre et l’architecture ont un point de jonction, expliquait Pierre Hebbelinck, c’est le corps qui entre en résonance avec un espace, le corps qui reprend, par les pieds, les émotions de la vie."

Les spectateurs verront aussi, disséminés dans le bâtiment, les interventions de l’artiste Patrick Corillon. C’est lui qui a choisi ces noms rigolos pour chaque salle. C’est lui qui ajoute sur les murs des phrases poétiques, comme celle mise judicieusement par l’artiste sur le mur de la salle de répétition : "Beaucoup d’acteurs placent dans leur brochure de répétition des fleurs sur les répliques qu’ils ont peur d’oublier en scène. Cela ne les empêche pas d’oublier ces répliques en scène, mais le fait de penser à une fleur durant leur trou de mémoire rend l’épreuve moins pénible à supporter."

Une librairie et un café-bar en front de place et un restaurant à l’étage seront ouverts à tous et aident à atteindre le but fixé par le directeur du Théâtre, Serge Rangoni,"un bâtiment qui vive tout au long de la journée." Le mobilier a été confié à la grande firme de design Vitra avec en particulier de nombreux fauteuils et tables signés Jean Prouvé. Les costumes du personnel d’accueil sont dessinés par le styliste liégeois Jean-Paul Lespagnard.

Une longue histoire

Le bâtiment de l’Émulation a une longue histoire. Il tire son nom de la société libre d’Émulation fondée en 1779 pour cultiver et encourager les arts, les lettres et les sciences. Elle est toujours active. L’Émulation a voulu s’installer au cœur de Liège, avec un grand bâtiment néo-classique, construit de 1934 à 1939 par l’architecte Julien Koenig sur l’emplacement de l’ancien bâtiment détruit par un incendie en 1914. Quand on voit aujourd’hui sa façade, on imagine mal que le bâtiment soit aussi récent, datant de la même époque que le bâtiment Flagey à Bruxelles (le paquebot de Diongre), et qu’il a été construit à l’époque, avec déjà, des pieux Franki, et en béton couvert de briques et de pierre bleue.

Le nouveau théâtre garde à l’avant-plan la galerie formée d’arcades en plein cintre et ornée de blasons, comme le promenoir d’une grande sobriété, pavé de marbre noir et blanc, et le grand escalier en chêne menant au foyer et aux salons de réception.

Ce nouveau théâtre a coûté 23 millions d’euros, dont 55 % à charge de la Fédération Wallonie-Bxl, le reste étant payé par la Ville, la Province et la Région wallonne au titre de restauration du patrimoine.

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