L’argent pourrit le monde
Michel Kacenelenbogen au Public, dans un solo étonnant, parle de l’argent.
- Publié le 23-11-2013 à 05h43
- Mis à jour le 28-11-2013 à 07h51
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Le Théâtre Le Public, créé et animé par Michel Kacenelenbogen, est un indéniable succès en termes de public et de nombre de spectacles. Malgré cela, son directeur reste un homme aussi tourmenté que très drôle, maniant l’humour et la sympathie autant que l’anxiété et la suspicion. Ancien homme de pub, il a tout misé - corps, âme et biens - dans sa passion du théâtre. Ces derniers temps, il expliquait avoir trouvé un nouvel équilibre intérieur grâce à la lecture d’Epictète, et par un travail sur lui-même. Dans ce contexte, son solo "Impayable" (dans tous les sens du terme) qu’il propose en deuxième partie d’un spectacle sur l’argent (la première partie est une courte comédie de Labiche sur l’argent) est une très belle réussite dans son genre. Il a tout fait lui-même : texte, chansons, mise en scène, jeu. Et il réussit pendant une heure à capter le public, comme un maître des mots et du stand up pour parler du sujet, selon lui (et il n’a pas tort) le plus tabou de nos sociétés, alors pourtant qu’il gouverne le monde : l’argent.
L’argent, pourtant, est à la base des déséquilibres scandaleux du monde. Toute la richesse étant accumulée chez 85000 familles alors que des milliards de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.
Il dénonce ce pouvoir de l’argent et des banques, soutient le combat de Ricardo Petrella pour aider à fournir de l’eau potable là où des enfants meurent chaque jour de soif.
Mais il le fait à sa manière, très drôle. Michel Kacenelenbogen est une "bête de scène" qui ménage ses effets, chante, a une joie manifeste à capter l’attention de son public conquis.
Il l’interpelle par exemple en demandant que ceux qui ont fait l’amour avant 18 ans lèvent le bras. Les gens obtempèrent sans problème. Par contre, quand il les interroge sur leurs richesses, c’est le silence. L’argent est plus tabou que le sexe.
Il commence son solo de cabaret dans une baignoire pleine de billets, habillé d’un veston couvert de billets et avec une ceinture de billets comme celle des kamikazes.
Mine de rien, par des chansons, jeux de mots à la Raymond Devos, citations judicieuses, il amène un public de classe moyenne, bourgeois, à s’interroger sur les valeurs : "L’argent, comme fin, c’est une crasse. L’argent, comme moyen, ce n’est pas une crasse." Il cite Oscar Wilde : "Le cynisme est de connaître le prix de tout mais la valeur de rien." Car les deux ne sont évidemment pas égaux. Que vaut un homme ? Le prix d’une œuvre signifie-t-il sa valeur ?
Un violoniste virtuose fit l’expérience de jouer une heure dans le métro de Washington comme un mendiant et ne récolta que 34 dollars. Le soir, il jouait devant 1500 personnes à plus de 100 dollars la place. Si on joue Céline Dion, on paie des droits, mais Mozart ne coûte rien. Ne vaut-il rien ? Gainsbourg fit scandale en brûlant un billet de 500 francs. Les cendres ont été revendues 20000 euros.
Le conseil de Michel K. pour désarmorcer la force de l’argent : ne donner de la valeur qu’au moment présent, au partage du moment avec les autres. Toutes ces révolutions personnelles rendront le monde "moins fou".
"Impayable", précédé des "37 sous de Monsieur Montaudoin", au Public, jusqu’au 31-12.