Tous unis dans la fanfare jubilatoire
Le nouveau Alain Platel, « En avant, marche ! », est un très beau moment autour de la musique. Critique.
Publié le 09-10-2015 à 11h38 - Mis à jour le 09-10-2015 à 13h18
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Mais comment fait ce diable d’Alain Platel pour rendre si humain tout ce qu’il touche ? En 2010, le chorégraphe gantois avait créé « Gardenia » avec le metteur en scène Frank Van Laecke et avec Steven Prengels pour les musiques. C’était une histoire risquée d’hommes âgés qui dans la vie réelle se travestissent le soir pour chanter dans des boîtes de nuit. Et ce fut bouleversant et connut un succès partout en Europe.
Le même trio remet le couvert avec un sujet tout aussi improbable : les fanfares qu’on connaît dans toutes nos villes et villages avec costumes militaires à chevrons, cuivres rutilants et majorettes. Et à nouveau, le résultat est formidable et déjà acclamé partout, ayant reçu un grand prix au dernier festival d’Edimbourg.
Le spectacle « En avant, marche ! » est encore ces vendredi et samedi au KVS, ne le ratez pas. Mais il tournera encore partout en Europe.
Alain Platel est parti de l’idée qu’une fanfare est un beau microcosme de nos sociétés. Fellini l’avait déjà vu en créant « Prova d’orchestra ». Toutes les catégories d’âge et de niveau social, les deux sexes, s’y retrouvent à la recherche d’un unisson.
Plus de classes sociales
Dans chaque ville où le spectacle est joué depuis sa création à Gand en avril, une fanfare locale est recrutée pour accompagner les excellents acteurs et musiciens. Ils ne jouent pas la musique traditionnelle des fanfares mais bien une belle adaptation de Mahler, Verdi et Beethoven.
Dans « En avant, marche ! », la musique porte le spectacle. C’est l’amour de la musique qui conduit le monde.
Sur scène, on parle toutes les langues, et les membres de la fanfare précisent à un moment ce qu’ils font comme métier : c’est toute la diversité humaine qui est là, rassemblée. Une fanfare abolit les différences entre classes sociales.
Le spectacle, même s’il a des longueurs au début, est plein d’émotions, de beauté formelle (Platel s’est inspiré du livre sur les fanfares de Flandre du photographe Stefan Vanfleteren). Il est drôle, entraînant, souvent jubilatoire. La fanfare guide les individus et les individus guident la fanfare.
Les acteurs jouent aussi de la musique et les musiciens sont acteurs. Un homme domine la distribution : Wim Opbrouck, au physique d’Orson Welles. Il entre seul en scène, pâle, défait, malade, tentant une dernière fois de jouer avec les cymbales. Il veut encore offrir son chant du cygne, mais ce sera pour mieux ressusciter, danser, chanter avec une voix d’opéra, gargariser, ironiser dans toutes les langues, entouré de prodigieux acteurs/danseurs/musiciens.
Bruxelles, KVS Bol, jusqu’au 10 octobre, à 20h. Durée: 1h40. De 13 à 25 €. Infos & rés.: 02.210.11.12, www.kvs.be