Découvrir les trésors de la Villa Flora

Au départ, il y a le couple Arthur Hahnloser, né en 1870, ophtalmologue, et Hedy Hahnloser-Bühler, son épouse, née en 1873. Ils sont de Winterthur en Suisse allemande. Ils ont grandi dans un milieu et une ville fort conservateurs et pourtant, très jeunes, ils s’enflamment pour l’art de leur temps, surtout l’art français lié pourtant à "l’ennemi" de l’Allemagne.

Hedy Hahnloser avait découvert au bord du lac, une villa, la "Villa Flora", dont elle fit son atelier avant de la transformer en leur maison et de la remplir de tableaux magnifiques, accrochés bord à bord, jusque dans la salle de bain.

Le couple acheta de très nombreuses œuvres entre 1905 et 1936, date de la mort d’Arthur Hahnloser, jusqu’à une œuvre par semaine. Ils découvrirent l’art "contemporain" d’alors, le postimpressionnisme grâce au peintre suisse Giovanni Giacometti, le père d’Alberto et Diego Giacometti.

Ils ont choisi de suivre les conseils de leurs amis peintres, achetant Ferdinand Hodler et puis s’enthousiasmèrent pour trois artistes Nabis dont ils accumulèrent de vraies collections dans la collection : Félix Vallotton avec des tableaux aussi superbes que son étrange "La blanche et la noire" où on voit une femme nue allongée, le rouge aux joues et une femme noire assise, la regardant la cigarette aux lèvres. Ils furent aussi fans de Pierre Bonnard et Edouard Vuillard dont ils ont de très beaux tableaux. Comme "Le Débarcadère de Cannes" et "Effet de miroir" de Bonnard, et "La partie de dames à Amfreville" de Vuillard.

Les inspirateurs

Le couple a continué dans cette veine très colorée, ne s’intéressant ni au cubisme, ni à l’abstraction, ni au surréalisme.

Conseillés par Bonnard, Vuillard et d’autres artistes qu’ils invitaient dans leur "Villa Flora", ils achetèrent les grands "inspirateurs", Odilon Redon surtout, dans sa phase très colorée après ses débuts noirs et étranges.

Malgré leurs moyens limités, ils achetèrent aussi une magnifique "Amazone" de Manet, un "Semeur" de toute beauté de Van Gogh, des Renoir, Cézanne, Matisse, parfois moins intéressants.

Une dernière amitié les lia à Albert Marquet et Henri Manguin qui leur vendit des tableaux inspirés par le charme de la Villa (comme "La Sieste").

Il se dégage de cette collection une idée de bonheur tranquille, loin des fracas des guerres en Europe.

Il leur a fallu du courage pour imposer leurs goûts alors audacieux, à leur entourage. Ils se rendaient souvent à Paris, entre autre pour acheter des tableaux chez Eugène Druet et Ambroise Vollard, tout en multipliant les visites aux artistes et les soirées au théâtre et à l’opéra.

L’avenir menacé

Chaque fois la question se pose : que deviennent ces collections assemblées avec amour ? Les enfants et les petits-enfants ont réussi à garder l’essentiel de la collection (plus de cent tableaux et deux cents dessins) au sein d’une Fondation, la Hahnloser/Jaeggli Stiftung créée en 1980. Ils ont pu convaincre la ville de Winterthur de les aider pour ouvrir la "Villa Flora" et ses trésors aux visiteurs à partir de 1995. Mais vingt ans plus tard, la Ville arrête ses aides et la "Villa Flora" a dû fermer ses portes en 2014.

Pas question de vendre un Van Gogh pour refinancer la Fondation, disent en chœur les héritiers. Ils entament donc "une tournée" de leurs trésors, commençant par cette expo parisienne, pour tenter de trouver les mécènes qui entreront à la Fondation et permettront à la "Villa Flora" de rester ouverte aux visiteurs.

En attendant, c’est une occasion unique de voir "ses pépites", ses Vallotton, Bonnard, Vuillard, enchanteurs.

"Villa Flora", musée Marmottan Monet à Paris jusqu’au 7 février. A Paris avec Thalys en 1h20, 25 trajets par jour.