Mauro Paccagnella, profession passeur
Scènes L’artiste en résidence au CCJF est à l’affiche du D Festival, avant les Doms à Avignon.
- Publié le 10-06-2016 à 08h24
- Mis à jour le 10-06-2016 à 18h22
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La Belgique est, depuis 25 ans, son "pays d’adoption, de cœur, de vie". Et c’est dans son quartier, à Saint-Gilles - dont les 800 ans de la fondation seront célébrés en septembre -, qu’est ancré le Centre culturel Jacques Franck, dont Mauro Paccagnella est l’artiste en résidence depuis janvier et jusqu’à la fin de 2017. "Deux années solaires."
Né en 1964, il étudie l’architecture et la danse à Padoue et Venise. Sera interprète pour Frédéric Flamand, Olga de Soto, Karine Pontiès, Fatou Traoré, notamment, ainsi que pour des films de danse de Nicole Mossoux, de Thierry De Mey. Et depuis 2002 pour la chorégraphe Caterina Sagna. Sa danse ludique se révèle dans Un Œuf is Un Œuf, premier collectif, que suivra en 1998 la Cie Wooshing Machine. Le cirque contemporain Feria Musica bénéficiera lui aussi de son regard.
Irréductible à la seule danse - pourtant souvent virtuose -, son travail englobe la vie et ses risques. "Dans mes spectacles, il y a toujours un peu de perruques, de peau, de poils, de distance, d’humour", sourit celui qui, entre autres, a signé en parallèle avec celle de Wagner sa tétralogie, "The Siegfried’s Swan Song", inaugurée il y a dix ans par le délicieux "Siegfried forever". Mauro d’ailleurs aime travailler en série. C’est le cas aussi de ses "Conti sparsi" (contes épars) dans lesquels s’inscrit "Over the top" - repris en octobre prochain - ainsi que "Happy Hour" (lire ci-dessous).
Confiance ludique
C’est également sur la durée que l’artiste pense sa résidence au CCJF. Avec entre autres "Les lundis de Mauro" et leur "Zootrop Kabaret" en 5 étapes sur l’année (prochains rendez-vous les 7 novembre et 5 décembre), "une forme hybride, aux racines dadaïstes, où expérimenter à travers une forme théâtrale connue - le cabaret - des rapports différents". Une série d’ateliers est aussi lancée, dont plusieurs avec des associations : seniors, Petits Riens… "Ce que je cherche là, c’est éliminer les filtres, la gêne. Essayer de redonner cette confiance ludique dans le ressenti, trouver dans le mouvement un certain type de respiration. C’est très intuitif, avec des résultats extraordinaires."
Cette résidence, qui lui a été proposée sous forme de carte blanche, il la conçoit et la pense comme un questionnement du rôle de l’artiste : "ses envies, ce qu’on attend de lui, son besoin de synergie avec la réalité, avec les grincements de la société en pleine instabilité. Tous mes actes artistiques sont aussi politiques, en contact avec le monde. On n’a pas de réponse toute faite mais des interrogations, des pratiques. La mienne a depuis toujours besoin d’un autre point de vue, de ce mouvement-là."
Danseur et chorégraphe, Mauro Paccagnella a en effet pour habitude de croiser son art avec d'autres disciplines. Les membres du collectif Wooshing Machine ne sont pas tous - ou pas seulement - des praticiens des arts de la scène. Éric Valette par exemple, plasticien et chercheur avant d'être performeur, a travaillé avec Mauro (et aussi la danseuse Lisa Gunstone et le vidéaste et musicien Stéphane Broc) sur la fragilité, thème de la Zinneke Parade 2016, en prélude à laquelle était présentée au CCJF l'installation-conférence "FTI (The Fragility Training Institute". “L’humanité doit réapprendre à vivre fragile”, y dit notamment Éric Valette. À découvrir ici en vidéo : bit.ly/MauroFTI
Local/Global
Comment devenir passeur ? "Quel type d’écoute établir, quelle porosité susciter ?" Les questions foisonnent dans la pratique comme dans la réflexion de Mauro Paccagnella. Il constate : "L’incapacité du politique à s’adapter à la vitesse du monde. Des blocages qui te font perdre tes élans." Il projette : "On n’a pas besoin de grands bouleversements, d’un peu de couleur, oui. On a besoin de construire. C’est aussi notre responsabilité d’artiste. On brasse ce qu’on peut sans oublier de créer du travail, de la rencontre."
L’année prochaine, il s’attellera à la visibilité, à l’ouverture du CCJF, à réinterroger le rôle d’un centre culturel, "le rôle de l’artiste dans la société, et mon rôle à moi, artiste, dans ce lieu qui devient un peu ma maison".
>> Centre culturel Jacques Franck, 94 chaussée de Waterloo, 1060 Bruxelles. Infos : 02.538.90.20, www.lejacquesfranck.be
"Happy Hour" au D Festival puis à Avignon
Créé en 2015, ce 4e volet des "Conti sparsi" marque les retrouvailles de vieux amis. Mauro Paccagnella et Alessandro Bernardeschi signent ensemble le duo "Happy Hour" où, complices, ils saluent avec humour et tendresse "un métier de sueur, de sang, de poussière, d’illusion, partout - et de cœur, beaucoup beaucoup de cœur". Une heure, comme l’indique le titre, pour sonder la danse et l’amitié, la fiction et la réalité. Une heure à déguster sur-le-champ dans le cadre du D Festival. Et ensuite au Théâtre des Doms, dans le Off d’Avignon.
> Bruxelles, Tanneurs, les 10 et 11 juin, à 20h30. Durée : 1h. Infos & rés. : 02.512.17.84, www.dfestival.be
> Avignon, Doms, du 7 au 27 juillet, à 12h45. Infos : www.lesdoms.eu