Truckstop, huis clos tendu
Arnaud Meunier monte un spectacle pour ados, et pour tous, de belle tenue.
Publié le 15-07-2016 à 19h59 - Mis à jour le 22-07-2016 à 14h40
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Comparaison est parfois raison. Et la rumeur qui court pour comparer le "Truckstop" d'Arnaud Meunier au "Tristesses" de notre compatriote Anne-Cécile Vandalem, très remarqué ici au festival, fait sens. On retrouve dans les deux spectacles cette dimension cinématographique, policière, ce mélange de modes de narration, ces "cinq centimètres d'écart" dont parle l'auteur japonais Oriza Hirata.
Avec son ambiance bar routier, son décor épuré et son autre rapport au temps, "Truckstop" répond à la question suivante : Comment inviter les jeunes à décélérer dans ce monde où tout s'accélère et où les attentats nous maintiennent dans le trauma ? Et dépose dans le panier d'Avignon une proposition jeune public de haut vol. De quoi réjouir le directeur du Festival d'Avignon, Olivier Py, désireux de laisser une place digne de ce nom au jeune public dans l'esprit de Jean Vilar. Voilà pourquoi pas moins de quatre cents enfants venus de toute la France se sont fait leur festival avec un final en apothéose dans la Cour d'honneur du Palais des papes.
L'enfant fut également en question aux Ateliers de la pensée auxquels participait Arnaud Meunier, metteur en scène de "Truckstop" de l'auteure néerlandaise de Lot Vekemans, une pièce pour jeunes dès 13 ans.
Heureux d'être accueilli dans le "In", à la Chapelle des Pénitents Blancs, lieu symbolique déjà investi par des grands noms comme Jan Fabre ou Romeo Castellucci, Arnaud Meunier dit apprécier le lieu d'innovation artistique que peut être ce secteur-là. Un lieu également qui donne souvent voix aux auteurs contemporains. Comme Lot Vekemans qui propose ici une écriture particulière avec un mode direct, dialogué, celui de l'action, et un mode narratif et distancié dans lequel le personnage réfléchit à ce qui lui arrive.
L'air de rien, "Truckstop" brasse plusieurs sujets, les rapports mère fille, la maladie mentale, la mondialisation avec ces poulets qu'on vend en Belgique et cochons en Hollande, avec ces camionneurs qui ont leur machine à café dans leur camion et ne prennent plus le temps de manger. Avec, en sous texte, un drame perceptible, à venir, sans savoir comment. De plus en plus tendue, la dimension psychologique des personnages incarnés par Claire Aveline, Maurin Ollès et Manon Raffaelli, qui assument chacun une réelle identité, gagne en épaisseur et en tension au fil de la représentation. Ce qui était pressenti, juste distillé au début de la pièce, occupe de plus en plus d'espace soutient l'intérêt en ce "Truckstop" où l'on a décidément bien fait de s'arrêter.