Lisbeth Gruwez, la force des failles

La danseuse et chorégraphe belge créait à Avignon sa nouvelle pièce "We're pretty fuckin' far from okay". Face au danger, la danse.

Marie Baudet, envoyée spéciale à Avignon
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©Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

C’était une des créations attendues du 70e Festival d’Avignon – le troisième sous la direction d'Olivier Py, et cette année particulièrement riche en propositions belges. Inoubliable interprète de Jan Fabre (notamment dans “Je suis sang”, créé dans la Cour d’honneur en 2005), en résidence avec sa compagnie Voetvolk au Troubleyn/Laboratorium de l’Anversois, Lisbeth Gruwez signe elle-même – avec son complice compositeur Maarten Van Cauwenberghe – des pièces qui l’ont placée haut sur la scène internationale.

Performatives, magnétiques, galvanisantes, elles vont du solo (“Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan” ou “It’s getting worse and worse and worse, my friend”) à l’expérience collective (“AH/HA”). En passant par le duo pour ce nouvel opus qu’elle interprète avec Nicolas Vladyslav, jusqu'au tout dernier jour du festival, le dimanche 24 juillet, au gymnase Paul Giéra.

“Pas tout à fait le couple”

Une femme, un homme, deux chaises parallèles, deux mondes concomitants, deux respirations distinctes mais complémentaires, deux couloirs de lumière. La situation que pose la danseuse et chorégraphe dans le premier temps de “We’re pretty fuckin’ far from okay” offre à voir l’imperceptible de la peur en face : attitudes qui se tendent, souffle accéléré, regards égarés. Un homme, une femme, côte à côte, “pas tout à fait le couple”, deux individus qu’une expérience commune va rendre indispensables l’un à l’autre.

Signée par Voetvolk et Marie Szersnovicz, la scénographie décline le gris comme une matière à la fois plane et vibrante, sur laquelle s’impriment les sons, les rythmes, le paysage sonore de Maarten Van Cauwenberghe, sa montée en puissance, alors que les danseurs tracent un parcours dont l’intensité semble en perpétuel déploiement.

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©Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

Le vocabulaire dansé, lui, relève de notre mémoire collective, de nos réflexes naturels face au danger, avec un alphabet gestuel emprunté aux films d’Hitchcock et leur teneur en phobie, en psychose. Le tout faisant écho à notre monde qui, chaque jour un peu plus, exige la vigilance, exhorte à la méfiance.

“We’re pretty fuckin’ far from okay” tournera abondamment dès la rentrée, avec plusieurs dates en Belgique dont, à Bruxelles, les 9 et 10 février au KVS et du 9 au 11 mars aux Brigittines.


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