L’image sonore de “Mèches”, la sculpturale obscurité du “Terrier”
Disciplines mêlées pour soirée composée. La matière mise en scène, aux Brigittines. Critique.
- Publié le 21-10-2016 à 21h41
- Mis à jour le 21-10-2016 à 21h42
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Disciplines mêlées pour soirée composée. La matière mise en scène, aux Brigittines. Critique.
Membre fondateur de Frémok, maison d’édition indépendante de littérature graphique, Vincent Fortemps fréquente de longue date les arts vivants. Sa Cinémécanique (machine à dessins animés), qu’il met au point en 2003 lors d’une collaboration avec le chorégraphe François Verret, lui permet de réaliser et projeter ses dessins en direct, au cœur même de performances musicales, théâtrales ou dansées.
Parenthèse exploratoire
“Mèches” est ainsi né d’une rencontre entre l’artiste plasticien (qui signait en 2012 l’exposition “Souvenirs de mèche” à Toulouse), le danseur et chorégraphe Mauro Paccagnella et le percussionniste et musicien Didier Casamitjana – tous deux cofondateurs du collectif Wooshing Machine.
Dans le studio des Brigittines, petit espace ceint de rideaux noirs, dessinateur et musicien sont à l’œuvre, de part et d’autre d’un espace scénique où s’amoncellent débris et reliefs. D’un côté, les matières grattées, malaxées, triturées donnent naissance à des formes mouvantes projetées en direct. De l’autre, les matières froissées, heurtées, frottées créent un bain sonore. Bientôt surgit un troisième corps, comme arraché à la glaise. Corps ombre, masse, mouvement, élan et contrainte. Il reviendra en porte-drapeau, charriant le souvenir d’une révolte. Et plus tard en silhouette corsetée de plastique noir, visage couvert d’une voilette, talons martelant le sol. Personnages-avatars d’un être égaré, bientôt dépouillé de ses attributs pour devenir sculpture vivante.

Sortant de ses territoires habituels – pourtant déjà hybrides –, Mauro Paccagnella investit ici le champ expressionniste. “Mèches” a les qualités et les défauts d’une parenthèse exploratoire. On s’y glisse subrepticement, sans adhérer à chaque parcelle de cette proposition, mais en goûtant aux audaces du mélange, aux paysages inédits qu’il fait éclore.
Théâtre physique et plastique
“L’acteur, sur une scène, joue à être un autre, devant une réunion de gens qui jouent à le prendre pour autre.” Florencia Demestri et Samuel Lefeuvre citent Borges pour évoquer la zone incertaine qu’ils se plaisent à explorer. Leur création “Le Terrier” donne corps à la boîte noire qu’est le théâtre. Un noir mat, absorbant, inquiétant. Une obscurité travaillée avec soin, où le regard doit accepter de se fondre, où le mouvement imprime son étrangeté ouatée, ses renversants rituels.

La danse – virtuose – appartient ici à un théâtre physique mais aussi plastique, dans une suite de tableaux qui, pour fascinants qu’ils soient, doivent encore se trouver une cohésion.
Bruxelles, Brigittines, jusqu’au 22 octobre. “Mèches” à 19h, au studio (40’), “Le Terrier” à 20h30, salle Mezzo (60’). Infos & rés. : 02.213.86.10, www.brigittines.be
“Le Terrier” fera partie, en juin, du D Festival au Marni, Bruxelles.