"Je suis un poids plume" ou la reconquête de soi

Où Stéphanie Blanchoud fait spectacle de sa découverte de la boxe. Une mise en scène de Daphné D'Heur, jusqu’au 1er avril aux Martyrs.

Marie Baudet
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©Johannes Vandevoorde

Où Stéphanie Blanchoud fait spectacle de sa découverte de la boxe. Une mise en scène de Daphné D'Heur, jusqu’au 1er avril aux Martyrs. CritiqueC’est l’histoire d’une chute et du moment fragile où on décide de se relever. L’histoire de la vie. L’histoire d’une jeune femme au lendemain d’une séparation. Elle est partie ; il n’est déjà plus seul. "12 février 2012 - bord de gouffre". C’est la chronique d’une reconstruction.

Une rupture, une ouverture

Stéphanie Blanchoud est chanteuse (son 3e album "Les Beaux jours" est sorti au printemps 2015), actrice (Chloé Muller de la série belge "Ennemi public", c’est elle), auteure.

Sur le plateau de la petite salle des Martyrs, sanglée dans un imper du même rouge vif que la paire de gants suspendue, elle dépeint en brefs dialogues à une voix l’appartement où il vit encore, les objets qu’elle vient récupérer. Le ton monte. Le verbe est précis, tranchant, le regard à la fois dur et perdu. Les repères sur le sol noir sont arrachés comme on vide un lieu qu’on a longtemps partagé. Il y a de la colère et de la déception dans ces instants banals et déchirants.

"Je suis un poids plume" développe deux récits en parallèle. La rupture, les détails sordides, les moments qu’on s’offre enfin - ce voyage en solitaire en Afrique où "avancer sur cette terre brûlée comme est mon cœur", pour "refaire connaissance avec moi". L’ouverture à un monde parallèle : la boxe. Une petite salle à l’arrière d’une maison, un premier contact, un essai, et bientôt l’entraînement, la rigueur, l’épuisement, les coups qu’on donne et ceux qu’on prend. A la fois métaphore et catharsis.

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©Johannes Vandevoorde

Guérir par le combat

Autobiographique, le seul en scène de Stéphanie Blanchoud ? L’auteure et interprète ne cache pas avoir vécu une telle séparation - le lot de nombre de ses contemporains - et reconnaît volontiers l’importance qu’a prise la boxe dans sa vie. Cependant cet aspect s’efface devant la construction même du spectacle, monté avec la complicité de Daphné D’Heur à la mise en scène.

"La boxe, c'est de la danse. Je veux voir du beau mouvement. Pas n'importe quoi." - Ben Messaoud Hassen, coach

La scénographie de Maud Grommen, les lumières de Benoît Theron, la création sonore de Pierre Slinckx, la mélancolie rugueuse et veloutée du violoncelle en contrepoint de l’inévitable "Eye of the Tiger", tout cela habille le jeu - intense, sportif - de Stéphanie Blanchoud, son phrasé sec, son écriture fine, osant les silences et aimant les listes qui décrivent, qui alignent les détails, les sensations, qui cernent une situation pour mieux nous propulser dans une autre.

Il y a du rythme dans "Je suis un poids plume". De la pudeur et de la générosité. De l’endurance. La valeur d’une rencontre décisive, saluée avec grâce dans le très beau finale. Et cette conviction, aussi désabusée que joyeuse, que "la vie passe et la vie restera".

Bruxelles, Théâtre des Martyrs, jusqu’au 1er avril, mardi et samedi à 19h, du mercredi au vendredi à 20h15. Durée : 1h10 env. De 9 à 19 €. Infos & rés. : 02.223.32.08, www.theatre-martyrs.be

Le texte du spectacle est publié aux éditions Lansman.


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