Opéra: faut-il détruire Carthage?
Le "Didon et Enée" quelque peu malmené à Liège. Il y a heureusement le Chœur.
- Publié le 11-05-2017 à 09h31
- Mis à jour le 11-05-2017 à 09h32
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Alors que les troupes de l’ORW sont allées porter la bonne parole de Bizet sous le soleil d’Oman (directeur musical, orchestre, chœurs et solistes y donneront "Les pêcheurs de perles" ce week-end), celles du Cavema de Namur ont pris possession de la salle du Théâtre royal de Liège : au menu, un genre qui n’y a pas souvent droit de cité - le baroque - et même un compositeur qui n’a pas dû souvent y être représenté, Henry Purcell. Le résultat n’est pas pleinement convaincant.
Un entracte ?
Drôle d’idée, d’abord, d’avoir coupé l’œuvre pour y placer un entracte : quand un opéra dure à peine une bonne heure, pourquoi en briser la continuité dramatique ? Même en ajoutant les dix minutes de la suite de "Abdelazer", l’idée reste saugrenue. Donnée dans la salle éteinte mais avec le rideau fermé, cette musique de scène de Purcell aura eu pour principale fonction de mesurer d’emblée les faiblesses de l’Ensemble Les Agrémens, d’habitude en meilleure forme : effectif trop réduit pour la salle (cela sonne maigre, particulièrement du côté des basses), manque de coordination çà et là et même décalages d’intonation entre certains pupitres.
Compétente mais un peu routinière, la direction musicale de Guy Van Waas n’arrange rien, pas plus qu’une distribution plutôt terne. Hormis le solide Carlo Alemano (incarnant tour à tour la magicienne et un marin) et la Seconde dame de Jenny Daviet, le plateau déçoit : problèmes récurrents de justesse pour Belinda (Katherine Crompton), Enée assez terne (Benoit Arnould) et, dans le rôle de Didon, une Roberta Invernizzi apparemment fatiguée, avec un grave qui peine à se projeter et un manque d’assise dans le bouleversant "When I’m laid in earth" final. Heureusement qu’il y aura eu, caché dans la fosse mais rayonnant dans toute la salle, le Chœur de chambre de Namur, irréprochable et digne d’éloges.
Décors naïfs
Le visuel ne console pas des carences musicales, tout au contraire. Venue de l’Opéra de Rouen, la mise en scène de Cécile Roussat et Julien Lubek convainc bien moins que celles de "La Flûte enchantée" et de "La Cenerentola" qu’ils avaient proposées à Liège. Privilégiant la dimension symbolique, le tandem français a conçu un décor volontairement naïf évoquant les toiles peintes et les machineries du baroque. Mais le naïf peut rapidement friser le kitsch, et c’est le cas ici avec des rochers en carton-pâte, des lumières plutôt moches et des voiles imitant la mer qui donnent le sentiment d’assister à la première scène de "L’or du Rhin" au XIXe siècle.
Il y a certes des moments plus réussis, comme le monstre marin de l’Enchanteresse (dont les envahissants tentacules phalliques finissent toutefois par lasser), ou la noyade allégorique de Didon au final. Mais, pour le reste, les chorégraphies frisent le spectacle de patronage au point de susciter l’hilarité, et l’omniprésence des circassiens - par ailleurs remarquables - finit par lasser à cause des bruits parasites qu’ils génèrent (trapèze grinçant, sauts sur scène…).
---> Liège, Théâtre royal, les 12, 13 et 14 mai; www.operaliege.be