Le gai savoir ou la logique de l'hyperlien

La série « Conférence de choses » par la compagnie suisse 2b est amorcée au Festival TransAmériques. Critique.

Marie Baudet, envoyée spéciale à Montréal
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©2b company

La série « Conférence de choses » par la compagnie suisse 2b est amorcée au Festival TransAmériques. Critique.

Lundi, la très belle salle Ludger-Duvernay, au Monument National, accueillait le comédien Pierre Mifsud et son comparse metteur en scène François Gremaud pour une conférence au cadre très classique. Un verre d'eau sur la table, de la lumière sur le public et ses sièges de velours. Et un conférencier décontracté, prenant d'ailleurs prétexte de ce lieu pour entrer dans la matière exposée.

Le sujet ? Fluctuant, on s'en aperçoit vite. Les évasives « choses » du titre se révèlent diverses, sinon incongrument enchaînées : du théâtre lui-même, incluant Sarah Bernhardt, à la préhistoire, incluant la migration des bisons (qui ont résisté aux périodes les plus froides, alors que le mammouth, lui, a succombé) ; de Sitting Bull et Buffalo Bill à la réintroduction des loups en Europe, en passant par « Le Petit Chaperon rouge » et Prokofiev.

Si le paragraphe précédent laisse deviner le lien, le fil reliant ces choses, le propos de François Gremaud – concepteur du projet et co-auteur des textes – est la « balade au cœur du savoir humain ». Le philosophe Clément Rosset (auquel faisaient référence naguère Transquinquennal et Rafael Spregelburd pour la création de « Philip Seymour Hoffman, par exemple ») a « beaucoup inspiré la posture intellectuelle de notre spectacle », notamment dans sa définition de l'idiotie. Loin de la stupidité, il s'agit bien plutôt « d'une sorte de fraîcheur devant la vastitude du savoir », souligne François Gremaud, homme de théâtre suisse qui étudia la mise en scène à l'Insas, à Bruxelles.

L'étonnement perpétuel

« Conférence de choses » en appelle donc à l'étonnement comme principe : toute chose est considérée avec attention et intérêt, voire une certaine naïveté dans l'émerveillement, sans nivellement, mais dans l'interconnexion.

La logique de l'hyperlien gouverne la logorrhée facétieuse à laquelle s'adonne Pierre Mifsud. N'illustrant jamais le fonctionnement du web ou de Wikipedia, bien qu'il y fasse inévitablement penser, son discours digressif mais ultraconstruit met en avant l'esprit humain et les extraordinaires pouvoirs de la pensée. « Au contraire du savoir académique qui cherche à mettre les choses dans des cases, notre cerveau a effectivement tendance à embrasser le chaos », pointe encore le metteur en scène.

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©2b company

Tout comme le théâtre documentaire (catégorie vaste et multiple, à laquelle l'édition 2017 du FTA a réservé une belle place), le théâtre-conférence s'inscrit résolument dans l'art vivant d'aujourd'hui. Aux rives de la performance, mais aussi dans la tendance qu'illustre le succès croissant des TEDx.

À l'instar de ces allocutions diffusées en ligne, la performance de Pierre Mifsud est strictement limitée dans le temps : 53 minutes, pas une de plus, pour chacune des six séances, qui changent chaque jour de teneur et de lieu : après la salle de théâtre classique, « Conférence de choses » se donne dans un musée, un centre d'archives, une chapelle... Pour finir, dimanche, par une intégrale de six heures à la Grande Bibliothèque.

Festival TransAmériques, Montréal, jusqu'au 8 juin. Infos : www.fta.ca


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