Les Yes Men ont dit oui pour animer des ateliers à La Fabrique de Théâtre

Marie-Anne Georges
Les Yes Men ont dit oui pour animer des ateliers à La Fabrique de Théâtre
©Stephen Vincke

Les activistes américains du canular sont en Belgique. Aux aguets. Les Yes Men, Valérie Cordy a fait leur connaissance, en novembre 2016, au Purple State Festival de Buffalo, dans l’Etat de New York. Egalement spécialisée dans les nouvelles écritures impliquant les technologies et les cultures numériques, la directrice de la Fabrique de Théâtre à Frameries est à ce titre régulièrement invitée dans des festivals internationaux. Après Buffalo, elle a retrouvé les Yes Men, deux mois plus tard, au festival des lanceurs d’alertes à Paris. Il n’en fallait pas plus pour que ces trois-là sympathisent et qu’invités par Valérie Cordy à venir animer des ateliers dans son théâtre sis près de Mons les Yes Men répondent "Oui".

Derrière les Yes Men se cachent deux activistes américains du canular, connus sous les pseudonymes de Mike Bonanno et Andy Bichlbaum. Leur objectif : dénoncer les désastres humains et écologiques générés par le néolibéralisme. La nouvelle saison de la Fabrique de Théâtre (lieu de formation et de résidence) s’ouvre donc en force avec la présence, depuis lundi et jusque vendredi, des Yes Men. "Théâtre de l’anthropocène/Médias, Nature, Société" (1) : tel est le thème de l’atelier où Mike et Andy, appelons-les par leur surnom, vont tenter de prodiguer leurs conseils aux heureux élus. Après avoir informé via les réseaux européens de Pearle et On the move de la possibilité d’un atelier avec les Yes Men, la Fabrique de Théâtre a reçu 41 candidatures. Après lecture des dossiers, dix-sept candidats - qui ne sont pas tous artistes - ont été retenus.

Représentations samedi à Bruxelles

Lundi après-midi, on a pu assister à la représentation de neuf d’entre eux, sorte de saynètes (qui ne devaient, normalement, pas dépasser les 7 minutes). Chaque interprète est arrivé avec son imaginaire, une matière brute qui demande encore, pour certains, à être affinée, dont le propos doit être resserré. Deux se dégagent du lot - "Vert l’à venir" ainsi que celui de "Arts nomades", ce dernier ayant également retenu l’attention des Yes Men.

La semaine de recherche avec les Yes Men qui se tient en ce moment constitue la première étape d’un événement Aprem (Ateliers, Partage, Rencontres des Ecritures en Mutation) qui prendra place du 16 au 18 novembre, toujours à la Fabrique de Théâtre. Trois jours de rencontres avec des intervenants de tous horizons.

Samedi 30 septembre, dans le cadre de Signal, rendez-vous d’art vivant dans la ville organisé par le Cifas et qui connaît sa 6e édition, les Bruxellois comme les touristes pourront assister, sur la Grand-Place, entre 14 et 17h, à la performance "The Yes Men and Guests". Mais Signal, qui se tient depuis mercredi, ce sont aussi de nombreuses autres propositions artistiques où le public est invité, s’il le souhaite, à participer.

  • (1) Anthropocène : nom donné par de nombreux scientifiques à notre ère géologique pour signifier ce que sont désormais les activités humaines qui sont à l’origine des évolutions climatiques.

"Si c’est trop sérieux,
les gens ne vont pas réfléchir"

Les Yes Men, ce sont deux Américains, connus sous les pseudonymes de Andy Bichlbaum et Mike Bonnano. Ils ont autour de la cinquantaine et n’affichent une mine sérieuse que lors de leurs canulars. Quand on les rencontre à Frameries, ils n’arrêtent pas de rigoler. Difficile de leur faire dire des choses sérieuses.

Cela fait plus de 20 ans qu’ils se font passer pour des responsables d’organisations internationales (OMC) ou de grandes entreprises industrielles (Dow Chemical). Et ce ne sont pas des sketchs pour amuser la galerie, mais de véritables ingérences. Quand leur prise de parole ne suscite guère, voire aucune réaction, ils décident de pousser le bouchon encore plus loin.

Plus c’est gros...

Le 3 décembre 2004, vingtième anniversaire de la catastrophe de Bophal, ils commettent sans doute leur plus "gros" coup. Andy Bichlbaum se fait passer pour le porte-parole de Dow Chemical. Il annonce en direct sur la BBC World que l’entreprise accepte son entière responsabilité et va indemniser les victimes. En 23 minutes, la valeur en Bourse de Dow chute de 2 milliards, obligeant l’entreprise à démentir, via un communiqué de presse, la fausse information ! "Quand le canular fonctionne bien, répond Mike, l’entreprise est obligée de communiquer des choses qu’elle aurait préféré taire." Y a-t-il une différence entre les interventions de 1996 et celles de maintenant ? "L’époque est fort différente, plus compliquée. Mais il est plus important que jamais de faire des choses aujourd’hui." Les Yes Men se considèrent-ils comme une sorte de lobby, voire comme le 4e pouvoir ? "Avec l’élection de Trump, notre façon d’agir aux Etats-Unis est en train de changer. C’est un moment intéressant, relativise Andy. Les médias sont devenus les boucs émissaires, ils se doivent d’être sur la balle."

Les Yes Men ont-ils déjà des commentaires sur les interventions artistiques de lundi après-midi. "Quand on élabore quelque chose, on doit se poser la question des répercussions que cela va avoir. Même si on a tort, on possède une théorie sur comment changer le monde. Ce que l’on a à dire, on doit le faire en allant droit au but." Aller à l’essentiel ? "Ou au superficiel. Si c’est trop sérieux, les gens ne vont pas réfléchir."

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...