Et Anne Teresa De Keersmaeker inventa les hommes
Publié le 13-04-2018 à 10h35 - Mis à jour le 13-04-2018 à 17h22
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Reprise 28 ans plus tard, d’Achterland, pièce essentielle dans le parcours d’Anne Teresa De Keersmaeker.
La pièce avait été créée le 27 novembre 1990 à la Monnaie par de danseurs devenus célèbres comme Johanne Saunier, Fumiyo Ikeda, Vincent Dunoyer, Carlotta Sagna. Près de 30 ans plus tard, Anne Teresa De Keersmaeker a eu la bonne idée de la reprendre avec de jeunes danseurs. Elle poursuit ainsi, en parallèle avec de nouvelles créations, un travail exemplaire de rejouer son répertoire comme elle l’avait déjà fait avec ses Early Works, Rain, Zeitung ou A Love Supreme.
La danse est par essence, éphémère, dans l’instant. Ce travail d’ATDK sur son répertoire montre à quel point il faut réfléchir à pérenniser une histoire de la danse et à la rendre vivante pour de nouvelles générations.
Achterland est un spectacle charnière. Avant cela, elle n’avait créé que pour des femmes, une phalange de danseuses, talons hauts ou bottines, culottes blanches, dansant avec des chaises, relevant leurs petites robes, se jetant à terre, répétant leurs gestes, à l’unisson ou se désagrégeant dans des variations hypnotiques.
Elle venait de faire encore Stella dont le matériau forme la base d’Achterland. Mais elle y ajoutait deux éléments essentiels : les musiciens jouant sur scène, mêlés aux danseurs: un violoniste interprétant Ysaÿe et un pianiste, Ligeti. Et surtout, pour la première fois, elle faisait danser des hommes.
Inventivité et complexité
Ceux-ci ont leur propre gestuelle même si on y retrouvait encore beaucoup cette danse au sol si typique d’ATDK. Au début, les femmes et les hommes sont comme séparés, les uns dansant plutôt sur la musique de Ligeti, les hommes sur les sonates virtuoses d’Ysaÿe. Mais peu à peu, les deux groupes se rapprochent, s’interpénètrent. Des jeux de séduction, voire d’humour pur, de sensualité se font jour jusqu’à aboutir à une danse commune.
La présence des hommes apporte une tension neuve. Cela donne un spectacle souvent complexe, où les niveaux et les intentions se superposent et parfois se brouillent. Avec une interaction subtile avec la musique et la lumière. C’est bien plus tard qu’ATDK entamera son travail d’épure progressive pour susciter plus encore l’émotion. Mais Achterland est étourdissant d’inventivité et sa complexité est contrebalancée par la joie de danser omniprésente et par cette force juvénile et heureuse des jeunes brillants danseurs qui reprennent ce spectacle historique, avec Léa Dubois, Anika Edström Kawaji, Yuika Hashimoto, Laura Maria Poletti et Soa Ratsifandrihana et un magnifique trio d’hommes: Lav Crncevic, José Paulo dos Santos et Bilal El Had.
Encore jusqu’au 15 avril au Kaaitheater à Bruxelles et en tournée internationale