Stéphane De Groodt: "Je me suis battu comme un fou pour exister" (RENCONTRE)
Publié le 14-04-2018 à 08h30 - Mis à jour le 14-04-2018 à 08h31
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Stéphane De Groodt revient fouler les planches bruxelloises dans la comédie romantique "Tout ce que vous voulez" avec Bérénice Béjo. De pilote de course à comédien, cet insatiable gourmand s'est prêté au jeu de la confidence.
Il a le teint hâlé, de ses quelques jours passés à Nice dans le cadre de la tournée de la pièce "Tout ce que vous voulez" dont il partage l’affiche avec Bérénice Béjo, le cheveu et la barbe poivre et sel hirsutes, et le débit à la mesure de son rythme de vie : effréné. "Je fonctionne au sel de la vie, confie Stéphane De Groodt, attablé devant un expresso. J’ai faim de tout. J’ai envie de me nourrir, de goûter, d’expérimenter."
Cette faim de découvertes, d’expériences et de défis le tenaille depuis son enfance. Sur les bancs de l’école, "j’étais un cancre fini, se décrit-il sans fard. Je n’aimais pas l’école car cet environnement ne me convenait pas. Il y avait trop de monde. J’ai toujours eu besoin d’apprendre en petit comité, peut-être aussi parce que j’avais peur de poser des questions. Je sentais bien que mes questions étaient un peu à côté… parce que j’ai toujours été à côté de tout." Le jeune garçon était aussi "très gros". "Je n’étais pas bien dans mon corps et pas bien dans ma tête parce que j’étais complexé, se souvient-il. Mais, très tôt, j’ai été animé par plein de trucs, dont cette envie de devenir pilote de course et comédien, mais rien qui ne correspondait à ce qu’on m’apprenait à l’école."
Loin de l’image de doux rêveur rondouillard qu’il dégage, l’ado De Groodt est déterminé plus que jamais à faire de ses rêves son métier. "Il n’y a pas de raison, en fait, qu’on ne puisse pas faire de ses rêves le but de sa vie, estime-t-il. C’est une forme d’hédonisme, mais ça a été beaucoup de travail. L’hédonisme est assez contemplatif alors que moi, je me suis vraiment battu comme un fou pour que ça puisse fonctionner, pour exister déjà dans ces deux univers très particuliers."

"Je croyais en mon étoile"
Né dans le Bruxelles cossu du milieu des années 60 d’une mère femme au foyer et d’un père ingénieur chez Texaco, Stéphane De Groodt est le benjamin d’une fratrie de trois garçons. "Ma mère était terriblement angoissée à l’idée que je ne puisse pas poursuivre mes études, que je n’aie pas de diplôme, sans savoir vraiment ce que j’allais devenir - elle n’avait pas tort, raconte-t-il. Mon beau-père, un chercheur, un type formidable et brillantissime, lui, avait compris que j’étais animé par quelque chose de particulier et qu’il fallait me laisser m’épanouir là-dedans. Il sentait qu’il y avait cette énergie absolue, cette conviction de tous les instants. Je croyais en mon étoile, même si je la voyais briller aussi tout seul."
Totalement inconnu, Stéphane De Groodt, armé de sa seule confiance en lui, y va au culot. "Il fallait que j’existe, défend-il. Je me souviens, à l’époque des courses, je tannais les team managers, je tannais les journalistes qui parlaient de la course à la télévision parce qu’il fallait que je me montre pour sensibiliser des sponsors… Je me suis démené comme un fou. Je rentrais par la fenêtre. Et j’ai fait la même chose pour le cinéma, c’est-à-dire que j’allais voir des gens, j’écrivais des lettres, je débarquais à l’improviste chez des producteurs, et pour la télé aussi - j’arrivais à pas d’heure, sans rendez-vous auprès de directeurs de chaînes qui me demandaient si j’étais complètement dingue. Quand vous n’êtes pas connu, ce n’est que comme ça que ça fonctionne."
Dans ces métiers qui font rêver, il faut, pour percer, se démarquer, apporter ce petit plus que les autres n’ont pas. "Un jour, en course, un pilote m’a dit quelque chose d’anodin, mais de fondamental : ‘Il faut faire la différence. Réfléchis à ça.’ Et c’est vrai. En course, un 10e, une demi-seconde, ça change tout : vous êtes premier ou 15e. Et j’ai gardé ça pour tout dans la vie, ce petit ingrédient dans votre recette qui va faire que votre plat ne sera pas le même que celui de votre voisin."
Cette volonté sans faille de faire "la" différence porte ses fruits puisque Stéphane De Groodt devient pilote de course professionnel et se fait remarquer en Formule Renault, F 3000, Porsche Supercup, aux 24 h de Spa…

Un conquérant sur scène
Parallèlement, il cultive son ambition de fouler les plateaux de cinéma et les planches des théâtres. "Dans l’âme, j’étais comédien, mais, dans les faits, j’étais pilote de course, confie-t-il. Et quand vous avez l’esprit de compétition, vous n’envisagez pas la 2e ou la 3e place. Vous vous battez pour gagner. Donc, quand j’ai envisagé ma carrière de comédien, c’était dans ce même esprit. Et ça a été un peu compliqué pour moi, car j’arrivais comme un conquérant alors que dans ce métier, il n’y a pas de notion d’arriver premier." Ainsi, "je me souviens qu’au début, quand je faisais de l’impro, il fallait que je gagne l’impro à tout prix. C’était absurde ! Et donc j’ai dû un peu me calmer et réenvisager ce métier d’une autre manière".
C’est grâce à l’impro notamment qu’il se découvre l’atout, le talent de jouer avec les mots. "Avant de parler, il faut écouter; avant de voir, il faut regarder, explique-t-il. Je suis très attentif à tout ce qui m’entoure. Je suis comme une éponge. J’observe les mots, les phrases. Puis, je les traduis à ma manière, mais je ne sais pas pourquoi ni comment je le fais. C’est assez instinctif. Il faut aussi être à l’écoute de son oreille. Pour moi, les mots sont comme des notes de musique. C’est une écriture musicale. Je cherche la musique. Et plus je la cherche, plus je la trouve."
Cette faculté à faire voltiger tout en finesse les subtilités et espiègleries de la langue française, Stéphane De Groodt l’a mise au service de multiples supports : pubs, télévision (avec des séries comme "File dans ta chambre", "Une minute avant"; des chroniques sur Canal +…), radio (RTL, France Inter), cinéma ("Supercondriaque", "Barbecue", "L’un dans l’autre"…), livres ("Voyage en absurdie", "Le livre de la jongle"…) et théâtre ("Le Prénom"…).
"Comme je suis un gourmand, j’avais envie de faire plein de choses. J’avais des propositions et je trouvais ça chouette de pouvoir goûter à tout, sourit le comédien. Après, j’étais considéré comme un touche-à-tout et je me suis rendu compte que ça pouvait aussi me déforcer, perturber certains gens du métier. Comme je devenais moins anonyme, j’ai réalisé que l’image que je dégageais était assez trouble. J’ai donc commencé à élaguer un peu."

La liberté du théâtre
Aujourd’hui, c’est dans le théâtre qu’il se plaît tout particulièrement. "Avant, comme je le disais, j’étais un chien fou, j’allais dans tous les sens. Pendant un temps, j’ai eu un peu de mal avec l’autorité, mais j’ai compris que c’était intéressant par moment d’avoir des barrières, des garde-fous qui vous disent par où aller. Mais, comme je suis un autodidacte, j’aime garder une part de liberté et cette liberté, je la retrouve au théâtre parce que je n’ai pas un réalisateur qui me dit à chaque scène ‘Coupez ! Maintenant, on va la faire comme ça’ . Quand je monte sur scène, c’est comme si c’était la première fois. J’ai le schéma du metteur en scène, mais, après, je m’approprie la chose et je me lâche complètement."
Ce plaisir d’être sur les planches, Stéphane De Groodt le savoure pleinement avec la tournée, depuis janvier, de la comédie romantique "Tout ce que vous voulez" aux côtés de Bérénice Béjo. Il s’arrêtera d’ailleurs dans notre capitale du 17 au 21 avril. "Jouer ici, pour moi, c’est particulier", avoue celui qui "vit à Bruxelles mais ne travaille qu’en France" . "Je n’ai pas le trac pendant la tournée car je connais la pièce, mais je pense qu’à Bruxelles, je vais quand même avoir une pointe de stress parce que je ne veux pas décevoir les spectateurs."
A savoir
Quoi ? Comédie romantique de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, mise en scène par Bernard Murat, "Tout ce que vous voulez" réunit sur scène Bérénice Béjo et Stéphane De Groodt. Le pitch ? Auteure à succès, Lucie a le syndrome de la page blanche. Mais tout va changer lorsqu’elle voit débarquer son nouveau voisin Thomas…
Quand ? Du 17 au 20 avril à 20 h 30 et le 21 avril, à 15 h et 20 h30. Au Centre culturel d’Auderghem. Attention, certaines dates sont déjà complètes.
Infos et rés. : 02. 660.03.03. ou sur www.ccauderghem.be