Cathy Min Jung devient directrice du Rideau de Bruxelles : l’instant T
L’institution pose un geste fort et réfléchi. Le projet d’une artiste.
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Publié le 23-06-2020 à 21h28 - Mis à jour le 23-06-2020 à 01h35
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L’institution pose un geste fort et réfléchi. Le projet d’une artiste.
Sortie du Conservatoire de Bruxelles en 1999, Cathy Min Jung est interprète pour le théâtre, le cinéma, la télévision. Actrice mais aussi réalisatrice, metteuse en scène, autrice, elle crée notamment Les Bonnes Intentions, spectacle en partie autobiographique sur l’adoption (2012, Prix de la Critique dans la catégorie auteur/autrice) et Sing My Life (2016), accompagne des projets comme "regard extérieur" (Girl/Fille d’Isabelle Bats), fait du doublage ou encore donne des ateliers d’écriture cinématographique.
Son dernier spectacle en date venait de voir le jour à Tournai et à Charleroi. Suspendu en plein vol par le confinement, La Cour des grands reviendra en février-mars au Théâtre de la Vie et dans la saison 2021-2022 à l’Atelier 210.
Convergence des luttes
Lancé mi-février, l’appel à candidatures pour la succession de Michael Delaunoy à la tête du Rideau de Bruxelles a abouti le 15 juin à l’audition des cinq dernières personnes en lice, et le 22 à la désignation de Cathy Min Jung, au terme d’un protocole dont celle-ci n’est pas la seule à saluer la transparence.
Pointant "l’audace et l’ouverture d’esprit du CA" dans une maison dont le directeur "a très vite œuvré à la parité", la future directrice souligne le momentum de sa nomination. La voici donc "première femme racisée à être nommée à la tête d’une institution théâtrale belge". Mais également première femme à diriger le Rideau de Bruxelles. "Ce moment est important, et pas seulement pour moi, dans la conjonction et la convergence des luttes."

Au-delà de son genre et de son origine, c’est par son dossier et la pertinence de son projet que Cathy Min Jung a convaincu le comité de sélection (mixte et composé de 6 experts externes, 4 membres de l’équipe du Rideau, 6 membres des instances de l’asbl, CA et AG). Un projet qui renforce les liens tissés par le Rideau avec les écritures contemporaines, son soutien aux autrices et auteurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
"Je souhaite l’ouvrir à toute la francophonie, de la même manière que je me sens concernée par toutes les questions de diversité. On ne fera pas la pédagogie de l’altérité, mais une pratique culturelle. Pas de focus Afrique, Asie, pas de saison autour du genre, mais une programmation équitable où toutes et tous puissent être représentés."
C’est en ce sens aussi que la future directrice défend – dans le fort maillage culturel d’Ixelles, à l’intersection particulière où se trouve le Rideau, entre plusieurs quartiers à l'identité forte – une maison ouverte "aux nouvelles dramaturgies, aux nouveaux récits", à dénicher partout, "dans la rue, les foyers, les écoles… pour les porter à la scène".
Penser le théâtre dans le monde actuel
L’un des outils neufs pensés par Cathy Min Jung pour le Rideau réunira gens de théâtre, historiens, critiques, philosophes, chercheuses… Ce Collectif associé aura pour objet de "réfléchir aux grandes orientations de la maison, produire de la pensée sur le théâtre dans le monde actuel, le réinscrire dans le temps et l’espace public". Réflexion, accompagnement et médiation, mais aussi dialogue avec les artistes de la saison.

Si 2020-2021 a été programmée par Michael Delaunoy, Cathy Min Jung entrevoit pour la saison suivante des artistes "porteurs d’un regard singulier, neuf et documenté sur le monde, et portés par le pouvoir de l’imaginaire".
Un mot-clef plutôt qu’une devise
Plutôt qu’une devise, Cathy Min Jung confesse un mot-clef : construction. "Par rapport à tout. Je veux être dans la construction plutôt que dans la plainte, la revendication – qui sont par ailleurs nécessaires."
Le féminisme pour elle est "une pratique quotidienne" au même titre que la diversité : "C’est un état de fait. Il n’y a pas à la créer, à l’inventer, juste la laisser exister. Je me pose la question du monde dans lequel je voudrais vivre, et je le pratique comme j’aimerais que ça se passe : normalement, que chacune et chacun ait sa place, sans être assigné à un rôle – de noir, de femme, de jaune, d’homo…"
- Rideau de Bruxelles, 7a rue Goffart, 1050 Ixelles – 02.737.16.01 – www.rideaudebruxelles.be