"Circus in the city", des acrobates en vitrine
Succès viral et réel pour "Circus in the city", le nouveau tour de magie de l’Espace Catastrophe.
Publié le 10-12-2020 à 06h34
:focal(1465.5x2012:1475.5x2002)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/ITUVWONS2FCCFCQONWDBNIKFKU.jpg)
Il fallait s’y attendre. Jetés par la porte, les artistes rentrent par... la vitrine. La preuve par Circus in the city, une initiative de l’intrépide Espace Catastrophe, Centre international de création des arts du cirque, qui vient d’imaginer une opération insolite, qui commence à (beaucoup) faire parler d’elle. Discrète, mais tenace, sobre mais efficace. Et, surtout, de plus en plus virale. La vidéo d’une passante compte déjà trente mille vues sur les réseaux, et France 2 s’intéresse au sujet. L’idée, il est vrai, vaut autant le clic que le déplacement.
En deux mots, Circus in the city permet aux artistes de jouer dans les vitrines de cafés, entre autres. Sans bruit, sans proximité, sans danger, mais sous les feux de la rampe, qui attirent les passants, au parvis de Saint-Gilles, par exemple, en fin de semaine et de journée, pour le bonheur des badauds. Une bulle poétique sur le chemin du retour, de l’école ou du travail, une halte improvisée, un pied de nez au confinement. L’aîné sur les épaules du papa, le cadet dans la poussette, deux copines à vélo, des passants heureux d’être là, au bon endroit et au bon moment.... Tous sont émerveillés. La nuit tombe, mais les sourires et la complicité de Duo Mandoble, compagnie de magie nouvelle, éclairent les visages.
"Elle", Luis Javier Cordoba, a enfilé sa robe de scène, élégante et moulante, comme une allusion discrète à cette vitrine, qui lui permet de travailler - pensée solidaire, au passage, pour celles que le Covid renvoie dans l’ombre. Elle charme son compagnon de scène, à coup d’anneaux ou de pirouettes. Lui, son jumeau, Miguel Angel Cordoba, chaplinesque, en costume noir et blanc, chemise légèrement froissée, n’hésite pas à lui jouer des détours.
Un côté étrange, unique
"Je trouve que c’est encore plus fort comme cela, de part et d’autre de la vitre, avec ce côté étrange, unique…", nous confie une spectatrice, heureuse d’assister, presque sous le manteau, à un spectacle, aussi minime et improvisé soit-il. Entre deux tours de passe-passe sonnent les premiers applaudissements. Timides mais précieux. Les artistes ne les entendent pas, mais ils perçoivent le geste comme la présence du public. "Pour nous, le fait de jouer est une manière de dire qu’on est toujours là, qu’on continue à créer, mal g ré tout. C’est une situation hors du commun. On se base sur un numéro qu’on interprète depuis dix ans. C’est vrai, l’ambiance est bizarre. Il y a la buée, le silence, puisqu’on ne peut pas mettre de musique, une vitrine qui nous sépare du public, les bruits qu’on ne peut pas entendre et les gens qui sont loin de nous. On ne perçoit pas bien leur expression et on doit développer une plus grande écoute. On ne peut pas se relâcher, mais on est contents d’être là", nous dit Miguel. Et le moral, dans tout ça ? "C’est dur, frustrant de ne pas pouvoir jouer. On essaye d’être constructif, de consacrer du temps à de nouvelles choses. On a des résidences, donc on peut travailler, développer d’autres projets. On est heureux de rassembler, malgré tout, quelques personnes, et de relever ce challenge."
De son côté, infatigable, Catherine Magis, de l’Espace Catastrophe, se réjouit : "On ne pouvait pas rester les bras croisés. Alors, on a pensé au café Maison du Peuple, qui a tout de suite embrayé. On s’est dit que comme cela, derrière la vitrine, de manière improvisée, on respectait toutes les règles sanitaires. Cette initiative nous permet, par ailleurs, de donner un peu de travail aux artistes, même si on a dû casser notre cochon." L’effort en vaut la chandelle. Peu à peu, les communes se bousculent pour offrir, à leur tour, leurs vitrines et le virus se propage, pour la bonne santé de tous, cette fois-ci.