"Macadam Circus", comme un éléphanteau dans la ville
Axel Cornil porte une fable urbaine pour temps incertains, au Varia.
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Publié le 03-06-2021 à 19h15 - Mis à jour le 04-06-2021 à 08h57
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Après un lancement perturbé par les intempéries, la création de la compagnie De Facto fait le plein au point de jouer les prolongations. Jouée en plein air, dans la cour arrière du Petit Varia, la pièce de Thomas Depryck, écrite bien avant la pandémie que nous connaissons, trouve cependant dans ce contexte une sacrée caisse de résonance.
La temporalité, d’ailleurs, oscille autant que le sac de boxe accroché dans la cour, développant de tout son poids l’imperceptible grincement de la chaîne qui le maintient en suspension. Mur taggé, sofa hors d’âge, lumière du soir. Et un homme, au regard à la fois égaré et résolu, au seuil de quelque chose : un vertige, un abandon, peut-être un nouveau départ.
"Lettre à mon fils…" La voix monte, charriant images, sensations, sentiments. Être parent, accueillir, se projeter. L’acteur-narrateur se bande les mains, s’échauffe, et bientôt remontera à sa propre enfance de marcheur précoce, de parleur tardif. Une déambulation urbaine fait surgir ses souvenirs. "C’est un jour comme un autre dans une grande ville occidentale pleine de gens, de pollutions, de bâtiments." Un jour comme un autre, sauf que, ce jour-là, une rencontre imprévue se produira.
Méandres de la métaphore
Parabole, fantasme, réminiscence, catharsis : le nouveau spectacle estampillé De Facto s’offre sous tous ces angles – voire d’autres encore.
Scandé en dix tableaux – ou chapitres, ou mouvements –, le texte mis en scène par Antoine Laubin et interprété par Axel Cornil pose un homme (un père, un compagnon) sur le ring chahuté de la ville et place sur son chemin un éléphanteau incongru, vecteur de ses responsabilités et de ses incertitudes.
Verbe (oscillant entre je, tu, il, entre récit factuel, réflexion et dialogue), mouvement (la chorégraphie offensive-défensive du boxeur grimpant à l’assaut parfois des toits plats) et volutes musicales (l’album Ghosteen de Nick Cave and the Bad Seeds, et une touche finale et magistrale de violoncelle de J.-S. Bach) composent un rituel qui connecte l’intime à l’universel.
C’est une histoire d’aujourd’hui qui se joue sous le ciel. Un présent aussi flou que se dessinent nettement les angles de la cité dans cette cour enchâssée. Un présent immémorial et en devenir, dont le théâtre se fait l’écho et le relais, réduit à sa plus séminale expression, creuset de sa plus vitale complexité.
- Bruxelles, Petit Varia (cour arrière), jusqu’au 19 juin, du mercredi au samedi, à 19h. Infos & rés. : 02.640.35.50 – www.varia.be