"La vraie vie": Georges Lini adapte et met en scène avec férocité le roman d’Adeline Dieudonné
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Publié le 09-06-2021 à 15h08 - Mis à jour le 09-06-2021 à 15h17
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C’est une famille modeste qui vit dans une cité ordinaire. Mais, au sein du foyer, à l’innocence des enfants – une fille de 10 ans et son petit frère, Gilles, 6 ans – qui jouent dans la cuisine aux figurines d’animaux se heurtent la violence d’un père alcoolique et rustre et l’apathie d’une mère apeurée et soumise. Féru de chasse, le père a même aménagé une pièce dédiée à ses trophées : “la chambre des cadavres”, comme la surnomme sa fille. Malgré cette ambiance lourde, le frère et la sœur se vouent “un amour indestructible”. “Le rire de Gilles pouvait tout guérir”, raconte la fillette.
Mais, un soir d’été, un terrible accident va venir lézarder ce rempart. Traumatisé, Gilles n’est plus lui-même : “Il ne vivait plus à l’intérieur”. Alors, un jour, sa sœur, l’emmène dans la chambre des cadavres. Parmi les ours, gnous, cerfs…, il y a la hyène. Gilles est obnubilé par la bête. Avec son regard de charogne, elle devient plus qu’un symbole : la mort s’est immiscée dans la maison. Et plus encore : “Désormais, elle (la hyène, NdlR) était à l’intérieur de lui”. La fillette est dès lors prête à tout pour redonner le sourire à Gilles.
Fougue, détermination, humanité
Reconnu pour revisiter avec audace et talent des œuvres classiques (Un tailleur pour dames de Feydeau, Caligula de Camus, Les Atrides…), Georges Lini, directeur artistique de la Cie Belle de Nuit, metteur en scène et comédien, s’attaque avec La vraie vie, roman à succès d’Adeline Dieudonné, à sa deuxième adaptation d’un texte contemporain. Un nouveau pari brillamment relevé !
Conte fantasmagorique, La vraie vie repose sur le récit en “je” de la fillette. Tout le défi consistait donc à préserver cette parole narrative sur scène. Un rôle phare que Georges Lini a confié à… Adeline Dieudonné, également comédienne. “J’ai proposé à Adeline de jouer dans la pièce, car ça allait de soi”, déclarait-il l’été dernier à La Libre.
Sur le plateau du Théâtre Jean Vilar, elle redonne vie à son héroïne de papier avec fougue, détermination et humanité. Tantôt interprète tantôt narratrice, elle glisse d’un rôle à l’autre, grâce à un simple mais astucieux procédé : une chaise et une table équipée d’un micro lorsqu’elle conte son récit. Si Adeline Dieudonné porte la pièce, elle peut aussi compter sur une formidable Isabelle Defossé, en mère “amibe”, voisine fée, vieux marchand de glace ou encore professeur de physique ; un terrifiant Georges Lini, en père bourru, colérique et violent ; et Louis Fayt (en alternance avec Octave Delaunoy et Amos Suchecki) en petit frère désemparé guetté par la mort.
Bestial, sauvage, violent, entaché de sang et imprégné de mort, ce conte noir est aussi un drame social que Georges Lini reconstitue dans de fabuleux décors (une cuisine, un salon télé garni de têtes d’animaux empaillés et un arrière-fond vitré faisant office d’un jardin attenant à un bois), imaginés par Charly Kleinermann et Thibaut De Coster. Le tout plongé dans une ambiance vidéo, sonore (de Sébastien Fernandez) et lumineuse (de Jérôme Dejean) très efficace.
--> Louvain-la-Neuve, Jean Vilar, jusqu’au 19 juin. Infos et rés. au 0800.25.325 ou sur www.atjv.be