Premier bulletin d’Avignon: mention très bien
Un très beau « Lamenta » conclut par une danse puissante et superbe la première semaine du Festival.
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Publié le 10-07-2021 à 08h41 - Mis à jour le 10-07-2021 à 08h42
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Quoi de plus vivifiant pour clore la première semaine du Festival d’Avignon que le Lamenta de Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen. Lamenta est dansé en plein air, dans la cour minérale de l’université, par neuf danseurs et danseuses grecs sous des musiques inspirées des miroloi, des chants de deuils et de lamentions pratiqués lors des enterrements ou lorsque quelqu’un quitte sa famille. La musique et la danse parlent de la terre et de la vie. Ils amènent à l’acceptation, puis à la guérison.
Commencée comme une danse traditionnelle, la chorégraphie devient une superbe danse contemporaine, sans cesse virevoltante, sautante. Les danseurs frappent le sol, se jettent dans les airs, font bloc ou, au contraire, explosent, tapent dans leurs mains, tous beaux, dans un marathon de danse exténuant, pour « extérioriser la tristesse, la frustration, la colère, le deuil et de nouveau s’intégrer dans la société. » Le paradoxe étant qu’en invitant Dionysos, et la joie de danser et de voir danser, on affronte mieux la lamentation.
Co-produit par Charleroi Danse et Mars-Mons arts de la scène, Lamenta sera en octobre à Mons, en janvier au KVS et en février à Charleroi.
1. Des réussites
Après une semaine, le bulletin de l’élève Avignon est à ce stade très bon.
Tous les spectacles que nous avons vus sont des réussites (hormis Penthésilé.e.s malgré ses chanteuses et Maguy Marin trop désordonnée). La belle Cerisaie qui fit l’ouverture a montré un Tiago Rodrigues curieusement un peu timoré face sans doute à l’enjeu.
Pour les reste, ce Festival sera marqué par la beauté et la précision de la mise en scène d’Anne-Cécile Vandalem dans la recréation d’une petite communauté pleine d’enfants dans la taïga, comme des tableaux magiques dans la nuit d’Avignon. Mais il y eut aussi les beaux moments de Fabrice Murgia, Laurent Gaudé et Nancy Nkusi, imaginant la fin de la nuit, Caroline Nguyen et sa dystopie où la moitié du monde disparaît, Christiane Jatahy inspirée par Dogville de Lars Von Trier pour nous alerter de la menace du fascisme et Angelica Liddell affrontant le taureau, à la vie, à la mort.
2. Les Belges
Mieux qu’en football, la Belgique aura été à la fête en ce début de Festival. Les spectacles d’Anne-Cécile Vandalem, Fabrice Murgia, et le Lamenta de Rosalba Torres et Koen Augustijnen sont « made in Belgium ». C’est Milo Rau au NTGent qui a produit Angelica Liddell, ce sont les théâtres de Liège et le National qui ont soutenu Caroline Nguyen. Tous ces spectacles, inclus La Cerisaie avec Isabelle Huppert, seront à l’affiche en Belgique. A vos agendas.
3. Les temps présents
Chacun de ces spectacles est, à sa manière, inspiré par les temps inquiétants qu’on vit et cherchent à « se souvenir de l’avenir » comme le prône Olivier Py, le directeur du Festival qui explique: « la Culture ne doit pas être un grand musée mémoriel et nostalgique, mais le lieu même d’une effraction du possible. Le spectateur devrait pouvoir applaudir une représentation en recueillant en lui des forces nouvelles et prophétiques. Dans l’idéal, il faudrait quitter le théâtre en se disant que demain sera différent, que c’est le premier jour de la seconde partie de sa vie, parce que notre désir a été transformé, parce que notre besoin de vie plus digne, plus juste, plus ouverte a été confirmé. »
Au sortir d’Anne-Cécile Vandalem, on a ce désir d’une vie plus réelle; après Murgia, celui d’une nuit libérée du poids des jours; avec Caroline Nguyen celui d’un monde enfin plus fraternel; après avoir vu Chistiane Jatahy, celui d’un monde libéré de la menace fasciste; après Lamenta, on veut danser.